Voilà un album à la destinée étrange, qui aurait bien pu ne jamais voir le jour. Groupe américain formé au début des années 2000 et constitué aujourd'hui par Mike DiMeo (Riot, Masterplan), Randy Pratt (Cactus, Sharks), Bobby Rondinelli (Rainbow, Black Sabbath, Blue Öyster Cult) et Patrick Klein (le seul qui n'ait pas à son actif de participation à un "grand" groupe), The Lizards sort en l'espace de sept ans 4 disques studio, 2 live et 1 album de reprises, puis disparaît pour sept autres années. Cause de cette soudaine éclipse, l'accident de la route dont est victime Randy Pratt (narré sur le bien-nommé 'Crash') et qui laisse inachevée l'écriture de leur future production depuis 2007.
Mais depuis, le bassiste a récupéré, merci pour lui, et c'est rempli d'une furieuse envie d'en découdre qu'il réunit ses petits camarades pour ce "Reptilicus Maximus" dont la pochette perpétue la tradition de faire figurer un grand saurien, hybride de Godzilla et d'un tyrannosaurus rex, combattant un de ses congénères robotisé. Tradition qui se perpétue également dans la musique, celle-ci navigant entre rock bluesy et hard rock pesant, ce qui n'est pas une surprise au vu du curriculum vitae des musiciens.
Riffs lourds des guitares, frappe massive et néanmoins aérienne de la batterie, grondements sourds des lignes de basse et voix éraillée et légèrement grasseyante sont les ingrédients utilisés pour les onze titres de cet album. Les claviers du nouveau venu, Scott Treibitz, sont relativement discrets et rarement en lead position (l'intro au piano de 'Crash', le solo d'Hammond de 'In The Pleasure Dome', les touches de synthé kitsch sur 'The Miracle Man'). Tous ces instruments sont au service de mélodies qui, si elles ne brillent pas par leur originalité, ont le bon goût d'être efficaces et diversifiées.
Ainsi 'Ton On The One' et son gimmick purpleien vous plongera-t-il au début des années 70, une impression qui se retrouvera sur le sinueux et malsain 'Crawlin' King Snake' au riff de guitare insidieux. Puisqu'on parle de Deep Purple, signalons la présence de Glenn Hughes sur 'The Miracle Man', un titre qu'il a signé et sur lequel il partage le chant avec Mike DiMeo. Un titre un peu mou qui peine à convaincre. Si 'Evil Eyes' au long solo de guitare inspiré, 'Incurable', son harmonica bluesy et son piano bastringue, 'Wild West' ou 'The Rats 'n Us' n'apportent guère de surprise, tout en restant très agréables, 'Pray For Peace' en surprendra plus d'un avec sa ligne de guitare orientale et ses chœurs aériens flirtant avec le glam rock.
'Turnin Me Under' est une autre bonne surprise, blues semblant échappé d'un vieux Led Zeppelin (le III ou le IV de préférence), porté par le riff mid-tempo entêtant d'une guitare nasillarde et un chant désabusé dont les aigus rappellent ceux de Plant. Mais c'est certainement le groovant 'In The Pleasure Dome' qui s'affiche comme le titre le plus intéressant de cet album. Entre les legatos vivaldiens de ses violons synthétiques, ses riffs chaloupés et ses mélopées arabisantes, le morceau offre une lointaine mais persistante ressemblance avec 'Kashmir', une filiation qui ne se refuse pas.
Si "Reptilicus Maximus" n'évite pas certaines longueurs, il s'écoute cependant sans ennui, la qualité des compositions s'alliant au charisme des interprètes pour nous faire passer un agréable moment.