Impossible d'évoquer le label Shrapnel sans mentionner Vinnie Moore, une des signatures découvertes par Mike Varney au début des années 80. Depuis son premier album solo en 1987, "Mind's Eye", Vinnie Moore a participé à plusieurs groupes, dont UFO qu'il rejoindra en 2003, et a réalisé sept albums pour son propre compte. Six ans après "To The Core", l'Américain revient pour un huitième album de guitare instrumentale : "Aerial Visions".
Vinnie s'est toujours entouré de professionnels et musiciens de premier plan pour ses albums et il ne déroge pas à la règle sur "Aerial Visions". On retrouve notamment son compère Dave LaRue (Steve Morse, Flying Colors), déjà présent en 1999 sur "The Maze", et Rob De Luca (UFO) à la basse, le batteur Richie Monica (Tantric), ainsi que Joey DeMaio (bassiste de Manowar) et Paul Northfield (Dream Theater, Suicidal Tendencies…) aux manettes.
L'éclectisme de ces différentes contributions se retrouve totalement dans la grande diversité qui règne sur ce disque. Promoteur d'un metal néoclassique dans ses deux premières œuvres, le virtuose a peu à peu ouvert son jeu à plus de variété rock, puisant plus largement dans le blues, le jazz et le funk. "Aerial Visions" ne contient pas une note de metal néoclassique et est pour une bonne moitié composé dans cet esprit rock bluesy et funky.
C'est particulièrement le cas sur la première partie du disque avec des morceaux très directs de pure énergie rock, dans lesquels les racines blues s'entendent en filigrane ('Mustang Shuffle' et la reprise de ZZ Top 'La Grange'), et de groove fusion endiablé ('Now's The Time', Slam'). On y décèle quelques manies satchiennes dans l'utilisation des cordes à vide ('Now's The Time') ou dans les phrasés ('Faith') mais surtout on y partage le plaisir qui a dû être celui des musiciens à jouer ces partitions.
La deuxième partie aborde plus de complexité, autant dans les tempi que dans les structures avec deux jolies ballades aux progressions harmoniques qui fonctionnent instantanément ('Looking Back' et 'Calling Out') et deux titres plus ambitieux aux contrastes savamment cultivés. 'The Dark Dream' est une ballade malicieuse avec du caractère qui donne le tournis avec sa construction alambiquée et 'A Million Miles Gone' est un peu le 'For The Love Of God' de Vinnie Moore, l'explosion finale d'un album impeccable qui montre toute l'étendue et la classe du toucher de l'Américain.
"Aerial Visions" est le témoignage d'une valeur sûre de la guitare instrumentale qui n'a plus besoin de faire ses preuves techniquement. Vinnie Moore y est maître de son instrument et confirme son statut de virtuose libéré du carcan du guitar hero. La maturité et la sagesse qui ressortent de ces dix morceaux imparables est celle des grands musiciens qui mettent toujours la technique au service des compositions et des mélodies. Après le "Shockwave Supernova" de Joe Satriani sorti cet été, "Aerial Visions" est le second album de guitare instrumentale à absolument écouter cette année.