En France, les plus talentueux (ou chanceux) des participants à l'émission The Voice reviennent quelques temps après avec un album de pop/variété "à la française" sous le bras, et les chaines de télé et radios FM nous abreuvent jusqu'à plus soif de Kendji Girac et autres Fréro Delavega. En Norvège, les candidats de la célèbre émission de télé-crochet se recyclent au sein de groupes de metal progressif, ce qui me fait regretter de ne pas être né un peu plus au nord. Bon, j'admets ma mauvaise foi, tirant du cas particulier de Geirmund Hansen, le chanteur de RendezVous Point, une généralité qui changerait pourtant agréablement le paysage audiovisuel français.
S'il est une caractéristique que les candidats de The Voice, toutes nationalités confondues, ont en commun, c'est cette propension à confondre bien chanter et chanter fort, même si disposer d'un organe vocal puissant est assurément un atout quand on est le frontman d'un groupe de metal. De ce côté-là, pas d'inquiétude à avoir : Geirmund Hansen a de la voix et le fait savoir, un timbre plutôt haut-perché, légèrement dur et métallique, parfaitement approprié au style musical qu'il défend. Car ne vous fiez pas aux premières secondes de 'Through The Solar Storm' au picking aussi délicat que trompeur. C'est bien au sein d'une tempête solaire que le groupe va vous faire voyager, sur un rythme généralement trépidant porté par des guitares agressives et une batterie survoltée.
On retrouve dans ce premier album des Norvégiens tout ce qu'un adepte de metal progressif est en droit d'attendre : une énergie qui ne se dément jamais, une épaisseur sonore obtenue par la superposition des divers instruments et de nombreuses ruptures de thèmes. Si la batterie, en verve, nous gratifie le plus souvent d'un très agréable jeu en contretemps, les guitares semblent plus à l'aise sur les riffs assassins ou les pickings arpégés que sur les solos lumineux (n'en cherchez pas sur cet album). Les claviers introduisent quelques motifs délicats ou des nappes compactes mais restent légèrement en retrait, et la basse peine à s'extraire du magma sonore ambiant du fait de la densité de la musique et d'un jeu où les musiciens privilégient le tutti.
Les ambiances sombres et pesantes font penser aux premiers albums de Threshold. Les amateurs de violence apprécieront particulièrement 'Para', ses guitares hargneuses et son chant plein poumons, et 'The Hunger', sa double pédale et un passage chanté presque death. 'Mirrors', très vigoureux lui aussi, réserve quand même quelques accalmies de courte durée au sein de ses dix minutes. Les autres titres pratiquent l'alternance de passages furieux et saturés et d'autres plus calmes et mélancoliques, satisfaisant à la fois les adeptes de puissance pure et ceux qui ne dédaignent pas une pointe de raffinement. A ce jeu, 'Wasteland' se détache, avec des instants de folie saturée et d'autres de mélodies cristallines, la chevauchée des guitares et la mélancolie des nappes de claviers rappelant certaines intros de Muse, le chant approchant même l'emphase accrocheuse propre à Matthew Bellamy.
Néanmoins, RendezVous Point sacrifie parfois trop à la puissance et la vélocité au détriment de la qualité des compositions, malgré des prédispositions évidentes. "Solar Storm" est un disque bouillonnant qui ne manque pas d'idées intéressantes, mais offrant peu de repos à l'auditeur et pas assez de nuances. Des défauts excusables pour un premier album qui, s'ils sont corrigés, n'empêcheront pas le groupe d'être promis à un bel avenir.