Nous nous étions fait un peu mesquins à l'occasion de la sortie de "No Plans" en 2012, estimant la sortie du prochain album de Cold Chisel vers 2026. Il faut dire que le rythme de parutions des précédents opus des Australiens, jumelé au décès tragique du batteur Steve Prestwich, n'encourageait pas à l'optimisme béat. Pourtant, c'est une belle surprise de découvrir ce "The Perfect Crime" déboulant sur nos platines seulement trois ans après que le quintet nous ait annoncé qu'il ne planifiait rien pour la suite. Charley Drayton se voit confirmé derrière les fûts et Cold Chisel semble retrouver une seconde jeunesse.
En effet, il faut attendre le cinquième titre, le mid-tempo 'Long Dark Road', pour pouvoir reprendre son souffle après une salve qui en laissera plus d'un sur les rotules. En quatre morceaux, la bande de Don Walker met les points sur les i quant à son état de forme. Boogie-rock au groove classique de la formation down under avec 'Alone For You', et rock'n'roll rapide et hyper efficace avec 'The Backroom' et ses imparables soli de piano et de guitare, lancent les hostilités. Suivent un 'All Hell Broke Lucy' à la puissance renforcée par une section de cuivres et un refrain accrocheur, et un titre éponyme à la fois inquiétant et efficace. Le premier narre l'histoire de Lucretia Dunkley, pendue en 1843 avec son amant pour le meurtre de son époux, alors que le second est une relecture d'un titre déjà utilisé par Walker avec son autre groupe, The Suave F.ks. Cet exercice est d'ailleurs renouvelé avec 'Four In The Morning', titre mettant en valeur le jeu d'un Charley Drayton mariant finesse et dynamisme.
L'ex- The Cult et The Dead Daisies rappelle au passage qu'il est un sacré batteur et que, si son jeu fait parfois penser à un certain Charlie Watts (Rolling Stones), son passage au sein des X-pensive Winos aux côtés de Keith Richards n'y est pas forcement étranger. La suite maintient un degré d'excellence qui ne se verra que légèrement entaché par une petite baisse d'intensité sur le final. Le blues sexy 'Shoot The Moon' chanté par Ian Moss, le rock latino 'Mexican Wedding' qui voit Cold Chisel s'éloigner des sentiers battus comme il en a souvent l'habitude, 'Get Lucky', old-school et jazzy, et le disco-rock 'Bus Station' au groove de batterie inclassable, enchaînent les moments d'originalité, mais il aurait été bon d'y intercaler quelques titres un peu plus puissants. Dommage, car le bon gros blues 'The Mansions' ou le plus classique 'The Toast Of Paris' avaient réussi à maintenir la pression jusque là. L'ensemble prend fin sur 'Lost', poignante ballade portée par le chant déchirant de Jimmy Barnes et renforcée par une ligne de cordes, fait assez rare chez Cold Chisel pour être signalé.
Le crime est presque parfait et il vient nous confirmer que les Australiens sont encore en pleine forme, prêts à continuer à nous occire régulièrement avec leur rock unique et bien léché aux paroles intelligentes. Plus compact et cohérent que nombre de ses prédécesseurs, "The Perfect Crime" garde cependant ces quelques touches d'originalité qui font de Cold Chisel un groupe unique et incontournable. Souhaitons désormais que son successeur arrive plutôt dans 3 ans que dans 14.