Découvert il y a quatre ans avec l'originel "Into The Void" dont on sentait qu'il n'avait encore qu'à peine défloré son potentiel, Ixion s'avère un groupe réellement à part au sein de la chapelle doom hexagonale (ou non). De fait, si les Bretons, qui comptent dans leurs rangs l'ancien claviériste du trop tôt disparu Cebren-Khal, récitent l'Evangile avec respect, usant aussi bien des voix caverneuses de rigueur que des lignes de guitares minées par une mélancolie sentencieuse, leurs psaumes sont moins nourris par la mort que par une mystique spatiale à laquelle l'omniprésence de claviers vaporeux confère une tessiture atmosphérique.
Seconde offrande que nous n'espérions presque plus, "Enfant de la Nuit" illustre bien cette singularité tant par son titre en français que par son (beau) visuel, signé Pierre Roussel, façon BD et rompant avec les pochettes habituelles. Il en va de même du contenu, à l'image de ce précieux écrin.
S'il reste fidèle au concept cosmique qui cimente son art, Ixion n'en pas moins profondément évolué durant ce long silence pendant lequel il a progressé et élaboré cet album d'une ampleur aussi ambitieuse que ténébreuse. Au socle doom death de "Into The Void", son successeur préfère se déployer sur un substrat plus gothique constellé de mélodies d'une froide élégance.
Bien que les guitares aiment à tisser un canevas tavelé de tristesse, ce sont surtout le chant, d'une grande variété, souvent abyssal, parfois limpide ou noyé sous les effets ('Children Of The Night'), ainsi que les sons électroniques, lesquels étendent un tapis glacial aux confins d'une ambient stellaire ('Allegiance'), qui structurent des compositions. Celles-ci brillent d'un éclat presque insaisissable, quand bien même, par moment, le ton se pare d'une dureté minérale, témoin l'excellent 'The Shining', point névralgique de l'écoute autant qu'apothéose d'un menu toutefois des plus homogènes dans sa qualité, qui doit s'appréhender comme un récit, filant tranquillement vers une issue grandiose qu'incarne le céleste 'Odyssey'.
Plus abordable sans doute que son prédécesseur, réceptacle d'un doom stratosphérique, "Enfant de la nuit" palpite d'une richesse souterraine, qui fait de cet opus une œuvre ambitieuse, pleine d'une finesse séduisante, propulsant Ixion vers une autre dimension. Désormais hébergé chez Finisterian Dead End qui saura certainement mieux le promouvoir que le pourtant culte Avantgarde, le groupe voit donc son horizon s'éclaircir, malgré la sombre beauté de son art...