Quatre (trop longues) années après la parution du remarqué "Esyllt", premier album des Bretons de Children in Paradise, la troupe menée par Dam Kat et Gwalc'hmeil nous revient avec un deuxième volume illustrant d'anciennes légendes celtiques, et notamment celle de Cu Chulainn et la déesse Morrigan, deux figures centrales de la mythologie celte.
Et pour coller à ces histoires à connotation guerrière, la tonalité musicale va d'emblée être fournie par 'Alone'. Une basse vibrante collant des frissons accompagnée d'une batterie inventive à souhait mixée très en avant va servir de support aux envolées mélodiques magnifiques de la voix de Kathy Millot (alias Dam Kat) tandis que petit à petit va se développer une furie électrique orchestrée par les guitares de Gwalc'hmeil. L'ambiance est forcément sombre, accentuée par la dichotomie entre la voix suave limite plaintive dans les aigus de Dam Kat, et le maelström électrique qui se développe petit à petit en arrière-plan pour finir par littéralement exploser dans les oreilles de l'auditeur. Le schéma va se répéter sur les plages suivantes, atteignant une forme de paroxysme sur 'I'm Falling', dont l'entame transpercée de rugissements de carnyx (trompe guerrière recourbée) ne fait qu'annoncer un final dantesque, flirtant avec le metal.
La suite 'Morrigan', déclinée en quatre parties, va confirmer la tendance, alternant là encore des passages quasi acoustiques où la mélodie se taille la part du lion avec des sections carrément rock, le travail sur les guitares notamment étant ébouriffant, le conclusif et bien nommé 'The Nightmare' valant à lui seul le détour !
Tout en conservant les mêmes bases, la fin de l'album va s'avérer un tantinet plus tranquille, avec une coloration celtique plus affirmée due aux interventions lumineuses des uillean pipes de Loïc Bléjean, plutôt discret jusque-là en-dehors de deux ou trois passages de flûte. Une nouvelle fois, cet instrument se révèle un formidable générateur de frissons, et les trois dernières plages de 'Morrigan' profitent à plein de cette texture si particulière, avec toutefois un regret par rapport à l'affreux fade-out qui conclut le splendide 'In my Mind', coupant net la section instrumentale qui ne demandait qu'à continuer son développement.
Cohérent de bout en bout, "Morrigan" marque d'une nouvelle pierre le paysage du rock progressif made in France, mêlant avec bonheur tradition et modernité. Sans jamais négliger les aspects mélodiques, Children in Paradise développe un rock progressif efficace et charmeur. Et si la qualité d'un album se juge à l'irrésistible envie d'en recommencer l'écoute au début une fois arrivé à la fin, alors "Morrigan" évolue très clairement en première division, avec un pouvoir addictif puissant.