Si les Suédois se sont très vite imposés comme les rois du revival vintage actuellement à la mode, les Italiens ne sont pas en reste et ce depuis longtemps, comme en témoignent le succès de Wicked Minds par exemple ou le précieux catalogue de Black Widow Records. Né des cendres de Buttered Bacon Biscuits, auteur il y a cinq ans d'un essai au titre très proche ("From The Solitary Woods"), Witchwood pourrait être issu de ce label, ce qui n'est pas le cas, mais c'est tout comme car l'esprit y est.
Ce premier voyage dans le temps résume à lui seul ce retour en grâce du proto (hard) rock aux relents psyché, biberonné au prog folk. Il y a quinze ans, "Litanies From The Woods" aurait écopé de l'étiquette "stoner rock" alors qu'il n'a pourtant que peu de rapport avec Black Sabbath et consorts, en dépit d'un (magnifique) visuel qui ne manquera pas d'évoquer le groupe de Tony Iommi, et d'un caractère délicieusement obscur.
Moins lourd, plus duveteux, le rock antédiluvien tricoté par cette troupe trempe plutôt son pinceau dans le Pourpre Profond ou dans la palette de Uriah Heep. Le tapis soyeux qu'étendent les claviers généreux de Stefano Olivi, Moog, Hammond et autres, participe notamment de cette jouissive filiation. La présence d'une flûte ('The World Behind Your Eyes'), quant à elle, renvoie forcément à Jethro Tull.
Certes, il n'y a rien de très original à espérer de Witchwood. Peut-être. Mais on s'en fiche pas mal car l'essentiel est ailleurs, dans le plaisir ressenti à l'écoute de ce pavé de près de 80 minutes (!) d'une démesure orgasmique, qui sait éviter le piège de l'ennui tendu par cette durée démentielle. Guidés par des guitares gorgées de feeling, à l'image du grandiose 'A Place For The Sun' qui voit tous les instruments copuler en une partouze solaire, emportés par un chant lumineux, celui de Riccardo Dal Pane, ces neuf titres sont comme des tableaux qui fourmillent de détails bourgeonnants.
Mis bout à bout, ils forment une sarabande bucolique suivant une sente boisée à travers une forêt teintée de magie. Rarement courts, ils prennent souvent leur temps pour installer une atmosphère d'une douce chaleur. Fluides, ils étirent tranquillement, grâce à l'assurance de musiciens au talent insolent, leur trame instrumentale, laquelle culmine lors des pièces les plus progressives, telles que 'Farewell To The Ocean Boulevard', véritable feu d'artifice sonore, ou bien le lent et acoustique 'Shade Of Grey'.
Reste que vouloir résumer cet opus en quelques lignes paraît impossible car les mots se heurtent à la difficulté de retranscrire cette richesse ondoyante. Clairement au-dessus du lot, Witchwood convoque les fantômes des années 70 avec une maestria qui laisse rêveur au point de se demander comment les Italiens réussiront à surpasser ce mètre-étalon du rock vintage...