Sept mois seulement après "Black Tie White Noise", David Bowie sort le peu connu "Buddha of Suburbia". L'album traîne en effet derrière lui une fausse réputation de BO de série télévisée, son single éponyme ayant effectivement été écrit afin de servir de bande sonore aux quatre épisodes de la BBC. Mais le disque est bien un album à part entière, que Bowie a même déclaré être son album préféré, ce qui semble exagéré à l'écoute du résultat (mais chacun, y compris David Bowie, a le droit d'avoir ses goûts).
En effet, "Buddha of Suburbia" est un album étrange et un peu inégal, voire boiteux, faisant le grand écart entre des styles musicaux fort différents, obérant ses chances d'être apprécié dans son intégralité. Car il faut avoir l'esprit particulièrement ouvert pour être sensible à la fois aux chansons rock, au free jazz, à la techno et à l'ambient qui constituent cet album.
Ceux qui aiment le Bowie "classique", rocker à ses débuts, se porteront tout naturellement sur des titres comme 'Buddha Of Suburbia' (décliné en deux versions très approchantes, seul le solo final de guitare de Lenny Kravitz sur le morceau clôturant l'album faisant la différence), 'Strangers When We Meet', qui sera repris sur "1.Outside" dans une version plus convaincante, l'ennuyeux 'Untitled No.1', voire 'Dead Against It' aux effets bruitistes très kitsch. Pas de quoi casser trois pattes à un canard mais on retrouve néanmoins une mélodie, des couplets/refrains, un chant harmonieux (même si trop souvent à l'économie) et des instruments naturels (entendez non distordus). Même la batterie reste à sa place (enfin, sauf sur 'Dead Against It' où la batterie électronique devient rapidement insupportable).
Puisqu'on parle d'insupportable, 'Sex and the Church' s'affiche en must, à moins d'aimer la techno ou la house : voix vocodorisées, rythmique proéminente et métronomique, paroles répétitives, insupportable on vous dit ! 'Bleed Like a Craze, Dad' est quant à lui un mauvais mélange de disco et de techno sur lequel Bowie chante d'une voix niaise et qu'on pourra zapper sans risque.
Enfin l'album contient trois instrumentaux. 'South Horizon' joue dans la catégorie free jazz avec tout ce que ce style musical comporte d'improvisations et de dissonances, Mike Garson tirant de son piano des sons moins qu'harmonieux. Intéressant mais réservé aux amateurs d'avant-garde. Même précaution pour 'The Mysteries' et 'Ian Fish, U.K. Heir' qui semblent tirés des faces 2 de "Low" ou "Heroes". Ambiance brumeuse, sons diffus, ronronnements menaçants, notes hésitantes d'un clavier ou d'une guitare, deux titres qui s'adressent aux amateurs d'expérimentations atmosphériques minimalistes.
Même s'il est loin d'atteindre l'intensité des productions des années 70, "Buddha of Suburbia" confirme le léger mieux constaté sur l'album précédent mais reste un album réservé aux inconditionnels. Les néophytes éviteront de découvrir l'univers de David Bowie par ce disque.