Il était une fois dans un pays lointain un groupe d’amis qui aimaient la musique. Les fées semblaient s’être penchées sur leur berceau, car en cinq années ils firent paraître sous le joli nom d’Unitopia trois albums originaux qui imprimèrent leur marque dans le petit monde du progressif à tendance symphonique. Hélas, la vilaine Discorde s’invita un jour parmi eux, et à la fin de l’année 2014, le groupe se disloqua. Mark Trueack, parti avec la majeure partie du groupe, a fondé United Progressive Fraternity, et a fait paraître dès fin 2014 un album ("Fall in Love With the World"), tandis que Sean Timms mettait plus de temps pour remonter un projet. Mars 2016 marque la naissance de ce nouveau groupe baptisé Southern Empire, composé de musiciens moins connus que ceux d’UPF. Il est à noter qu’à ce jour, Mark et Sean revendiquent tous deux la paternité des compositions de 'Fall in Love… ". La question reste posée : qui est le plus détenteur de l’esprit d’Unitopia ?
Une chose est sûre : avec cet album éponyme, et contrairement à UPF, Sean Timms n’a pas cherché à reproduire à tout prix l’univers d’Unitopia. Le quatuor qui forme l’ossature du groupe sonne plus rock que les productions précédentes de Timms. Tim Irrgang, percussionniste d’Unitopia (et d’UPF) et Steve Unruh au violon (également présent dans UPF …) complètent entre autres le line-up comme invités. Après une courte intro guitare-voix, Southern Empire attaque les deux titres suivants sur un ton rock assez nerveux, très bien arrangé et enregistré, avec des structures assez classiques dotées de refrains plaisants et mémorisables, et délivrant des instrumentaux plus originaux en fin de morceaux.Les accents world qui étaient une des marques de fabrique d’Unitopia se font plus discrets, mais la technique des musiciens est mise plus en avant, avec des soli de guitare et de claviers plus appuyés.
L’amateur de morceaux à rallonge qui sommeille en chaque progueux portera évidemment une attention toute particulière au gros epic placé en fin d’album : avec ses 28 minutes, 'The Bridge that Binds' attire l’oreille. Avec quelques facilités dans les arrangements, des couplets pas forcément très porteurs et des refrains choraux assez convenus, il sera difficile de retrouver ici la densité épique qui était une marque de fabrique du précédent groupe de Sean Timms. Le titre doit surtout sa longueur à des parties solistes intercalées qui sentent l’impro / jam, et la fin est assez prévisible. En fait, ce 'Bridge' est dans l’esprit plus proche des productions de The Tangent que de celles d’Unitopia.
Malgré tout, Sean Timms garde une qualité de composition bien présente, qui s’exprime de manière très probante dans 'How Long', morceau qui est le vrai highlight du disque, déroulant sur onze minutes un joli voyage plein de paysages aux couleurs multiples, porté par des musiciens à la fois très à l’aise sur le plan technique et s’exprimant avec une belle sensibilité. Danny Lopresto a une voix plus banale et moins habitée que celle de Mark Trueack, mais qui colle plus au style rock qui domine dans l’album.
La question liminaire n’est donc pas tranchée : si UPF sonne plus Unitopia, Southern Empire paraît plus original et porte en germe des qualités plus qu’intéressantes. il faudra probablement attendre les productions suivantes de ces deux groupes devenus concurrents, qui choisiront sans doute d’affirmer une identité plus marquée. En tout état de cause, Southern Empire signe ici un album cohérent et attrayant. Evidemment à suivre …