Bien que jouissant encore d'une réputation confidentielle, Aathma n'en demeure pas moins une valeur sûre au sein de la chapelle de la déesse Doom, réputation sculptée au burin d'une première enclume remarquée et des concerts d'une puissance tellurique. Comme souvent avec les Espagnols, le trio forge une musique solidement ancrée dans la terre et la roche brûlée au soleil.
Tout en s'inscrivant dans la continuité de "The Call Of Shiva", avec lequel il partage cette attirance pour les mythologies orientales, comme le démontre son concept inspiré du zoroastrisme, "Decline... Towers Of Silence" propulse ses auteurs encore plus haut. Le socle est identique dans sa pesanteur et sa lourdeur dignes de plaques tectoniques qui se chevauchent, charriant des gravas épais qui érigent une falaise contre laquelle viennent s'écraser des instruments directement reliés à la croûte terrestre cependant que le chant de Juan, qui a su cette fois-ci s'éloigner du spectre de Nick Holmes, coule l'ensemble dans le creuset d'une mélancolie minérale.
Mais Aathma a aussi fortement progressé, accouchant de sept compositions souvent épiques, plus complexes et toujours écrasantes. Voire même menaçantes, témoin ce 'Hole Of Death' sombre et strié d'accords obsédants. Souvent très longs (trois d'entre eux n'hésitent ainsi pas à dépasser les 10 minutes au compteur), ces titres réclament de patients préliminaires avant d'espérer en goûter l'intimité secrète. Si 'Valley Of Doom', le plus accessible du lot, l'introduit avec une efficacité ramassée, avec son rouleau-compresseur rythmique, "Decline... Towers Of Silence" s'enfonce ensuite, dès le titanesque 'Under Black Waters', dans un gouffre sans fin.
Chaque titre forme une marche supplémentaire vers l'obscurité la plus opaque ('Abyss') jusqu'aux deux derniers et pâles souffles de vie, monuments où explose un art des ramifications labyrinthiques. Tout d'abord lente respiration, 'A God Returns' s'abîme à mi-parcours dans l'indicible, englué dans une gangue granitique qui l'empêche d'avancer, à peine éclairé par une fugace accélération lors de sa dernière partie. S'ouvrant sur un piano funéraire, 'Red Storm (Decline Of A Breed)' est traversé par une ligne de force tragique, lent derelict empreint d'une inexorabilité absolue qu'irriguent des riffs épais comme des câbles à haute tension.
Mieux construit, plus ambitieux que "The Call Of Shiva", "Decline... Towers Of Silence" est un album massif, colossal qui semble porter toute la souffrance, toute la misère du monde, architecture démentielle s'enracinant dans les profondeurs cendreuses de la terre, ployant sous le poids d'une contrition inéluctable. C'est du doom, du pur et du meilleur...