On aurait pu croire le vieux drakkar norvégien relancé après un "Heiðindómr ok mótgangr" de bonne mémoire qui nous avait alors rassuré, répondant de la plus puissante des manières à tous ceux qui doutaient de le voir un jour (enfin) renouer avec l'inspiration et la vigueur de ses vertes années. Or il aura encore fallu attendre quatre ans pour voir Helheim reprendre la mer, preuve que la carrière du groupe demeure toujours aussi morcelée, confirmant son éternel statut de Poulidor du Black viking. Peu importe en fait, tant que les albums sont bons. Mais est-ce le cas de "rauniJaR" ?
Entre 'Helheim 9', amorce malheureuse qui montre nos guerriers essayer de braconner sur les terres chamaniques de Wardruna, l'âme et la vibrante beauté en moins, des épopées aux allures de marathons épiques mous de la hache et une pochette peu engageante, le résultat risque d'en décevoir plus d'un, à commencer par ceux qui espéraient y (re)trouver une forme d'agressivité minérale, finalement guère présente que sur le titre éponyme qui ne se révèle pourtant pas le meilleur du lot, loin s'en faut.
Le reste, soit trois morceaux remplissant à eux seuls les trois quart du menu, privilégie donc les mid-tempos au service d'ambiances envoûtantes. D'abord déroutant, "rauniJaR" puise néanmoins dans cet humus atmosphérique une sève mythologique évocatrice de ce peuple fier et redoutable qui sillonnait les mers, plongeant dans l'effroi ceux qui avaient le malheur de croiser sa route. De fait, loin d'en bâillonner la force granitique et sévère, cette architecture d'une lenteur épique propulse l'art des Norvégiens vers le Valhalla, plus encore même que certains de ses hauts faits d'armes passés.
Un souffle immense parcourt ces complaintes qui tutoient toutes les dix minutes au garrot, lesquelles donnent envie de cavaler à travers des paysages rocailleux drapés d'un manteau neigeux, une corne d'hydromel dans une main, un marteau de Thor autour du cou. Si le chant clair n'est pas toujours très juste, l'éclat majestueux dont brille cette œuvre ambitieuse n'en souffre absolument pas.
Nous aurions pu craindre par ailleurs que les Vikings ne s'égarent, pris au piège de longueurs qui semblaient inévitables. Il n'en est pourtant rien, "rauniJaR" n'ennuie jamais, irrigué par des mélodies galvanisantes que sculptent dans la roche glaciale des guitares au goût de fer, cependant que la batterie libère des rouleaux qui s'abattent contre une falaise monumentale. Notes acoustiques et lignes de violon osseuses (sur 'Odr') complètent une artillerie qui fait la part belle aux atmosphères entêtantes, à l'image du diptyque 'Asgards Fall III et IV', lequel creuse de vastes fjords nimbés d'une brume éthérée qui peu à peu s'élève.
Certes tous ne s'y retrouveront pas mais il n'en demeure pas moins que ce huitième album, quoiqu'imparfait, brille d'une austère beauté, réussissant mieux que d'autres sans doute, à capter l'essence de cet héritage nordique.