'You Gotta Believe', le premier morceau, en est l’illustration parfaite. Ce long titre (six minutes), précédé d’une introduction majestueuse, bastonne à tout va, propose des riffs claquants et robustes, des breaks judicieux, une rythmique de haut niveau… mais alors que la réunion de tous ces éléments devrait nous assurer une mise sur l’orbite du plaisir, le décollage est poussif et l’adhésion peine à se manifester. Cela résume assez bien le sentiment qui prévaut à l’écoute de ce "For All Kings". 'Monster At The End' reprend le principe du refrain de 'In The End' ("Worship Music"), mais on ne retrouve pas la même force, ni la même charge émotionnelle que sur ce morceau d’anthologie. Un symptôme qui se retrouve sur tout le disque : tout y semble parfait, bien arrangé, bien interprété. Pris individuellement, chaque ingrédient concourant à cet album affiche une qualité indéniable… mais l’étincelle ne se fait pas. En permanence l’état de grâce est tout proche, presque palpable, mais inlassablement il se refuse à nous, se dérobe pour nous laisser quelque peu frustrés.

Pourtant, que reprocher à cette section rythmique qui constitue le cœur de 'Suzerain', aux magnifiques parties de guitares acérées et véloces de 'This Battle Chose Us', à l’accélération qui transcende la seconde partie du très bon 'Blood Eagle Wings', ou bien au riff qui lance 'Defend Avenge' ? Clairement rien. Si ce n’est que, ce qui sur le papier devrait générer une succession de titres imparables, se contente de n’être qu’un disque très honorable, mais bien trop linéaire et convenu pour susciter le grand frisson. On pourrait incriminer le chant monocorde de Joey Belladonna, ou bien un parti-pris trop timoré, toujours est-il qu’Anthrax ne parvient pas à nous proposer le petit coup de griffe susceptible de nous faire chavirer dans l'extase totale, le supplément d’âme propre à nous faire craquer, à nous faire basculer dans le plaisir pur. On y est presque, le bonheur est tout proche, mais le groupe nous abandonne trop souvent au milieu du gué, ne parvenant que très rarement à nous mener jusqu'à l'exultation. C'est quelquefois le cas lorsqu’il accélère le tempo, à l’image de 'Zero Tolerance', un des rares morceaux qui se montre efficace dans son intégralité.