Clint Slate se présente comme étant: "une page blanche, une ardoise effacée où les compteurs sont remis à zéro". Sous ce nouveau pseudonyme se cache en réalité Gregg Michel, membre de The Sunchase ayant également déjà sévi en solo sous le patronyme de Gregg M. Avec "Before The Dark", le chanteur et multi-instrumentiste propose une œuvre personnelle, voire intimiste, pour laquelle il ne partage l'interprétation qu'avec de rares invités. Cet album est également l'occasion d'une présentation dans un packaging élaboré avec Christophe Castejon, pendant visuel des 12 titres proposés, pour un ensemble à la fausse simplicité qui pourra même se révéler relativement hermétique pour certains adeptes de plaisirs immédiats.
Lancé par le diaphane 'Slave', cet opus fait la part belle à la douceur et à la délicatesse avec l'utilisation de l'acoustique à de nombreuses reprises. Pourtant, dès 'Til Death (Do Us Part)', la musique de Clint Slate révèle sa richesse au travers d'une montée en intensité conduisant d'une introduction à la triste légèreté vers un final traduisant un désespoir déchirant. Ce sentiment est d'ailleurs mis en valeur par un chant qui n'est pas sans rappeler celui de Bono (U2), d'autant que l'anglais y est impeccable, chose rare chez de nombreux artistes français. La voix et la guitare se partagent d'ailleurs l'essentiel du paysage sonore, sans que celui-ci soit pour autant trop dépouillée.
C'est ainsi que le talentueux Eric McFadden vient poser ses lignes d'une guitare hispanisante sur le blues-folk de 'Harder'. Plus surprenante est l'intervention de l'acteur comique Kyan Khojandi ("Bref") au violon alto sur le délicat 'Sleep' aux allures de berceuse. Quant au grave et sombre 'Chaos - Order', il se voit renforcé par une voix féminine dont les chœurs dialoguent avec le chant lead sur un final vers lequel nous a amenés une nouvelle montée en intensité. Bien que l'ensemble baigne dans une mélancolie générale, il évite cependant une trop grande linéarité en incluant quelques titres plus légers ('Wish', 'Rules Of Intimacy'), voire cinglants ('After The End' et son chant torturé), sans oublier un 'Over God's Shoulder' aux chœurs obsédants.
Prenant fin sur l'envoûtant 'Endless Summer Day', cet album se révèle un voyage à la fois introspectif et imaginaire, alternant les moments de souffrance intime et les évocations de paysages défilant le long du chemin parcouru avec son auteur. L'ombre qu'il annonce ne semble finalement pas être une fatalité et les quelques rayons de lumière qu'il laisse passer illuminent des espoirs auxquels il est tentant de s'accrocher. "Before The Dark" propose donc un surprenant assortiment entre simplicité musicale et complexité sentimentale aux travers de titres qui rendent sa découverte énigmatique et difficilement pénétrable à qui ne prendra pas le risque de s'y abîmer.