Inquiets de voir qu'il ne participait à la tournée qui suivi la sortie du premier album d'Avatarium, nous pensions que Leif Edling avait déjà mis fin à cette aventure, laissant le groupe voler de ses propres ailes, après avoir pourtant composé l'intégralité de son galop d'essai et ce, même si le EP "All I Want", livré un an plus tard, avait contribué à nous rassurer quelque peu.
Heureusement, il n'en est donc rien et le légendaire bassiste de Candlemass est toujours là, aux côtés d'une équipe de rêve constituée de fidèles qu'il connait depuis longtemps, du batteur Lars Skold au claviériste Carl Westholm, sans oublier le guitariste Marcus Jidell et sa mie, Jennie-Ann Smith au chant. En attendant le retour de son principal port d'attache qui nous fait déjà saliver, ne serait-ce parce que Mats Leven, intronisé chanteur officiel des Suédois, sera derrière le micro, Edling offre à Avatarium une seconde offrande attendue comme le Graal d'un Heavy Doom conjuguant lourdeur et délicatesse féminine.
Si la signature du vétéran (plus de trente ans de carrière, rappelons-le) s'avère bien entendu aisément identifiable, de même que ses lignes de basse telluriques, notamment sur l'amorce éponyme, "The Girl With The Raven Mask" paraît cette fois-ci davantage comme un effort collectif, permettant à chaque musicien de s'exprimer largement et de briller. Jidell en profite d'ailleurs pour affirmer sa marque, ses influences, celles de l'homme en noir notamment, témoin son jeu sur 'Hypnotized', sur lequel plane l'ombre de l'ancien Purple, voire plus progressives, à l'image du massif 'The Master Thief', lente respiration à la fois pesante et soyeuse.
Privé d'une monumentale ouverture à la hauteur de 'Moonhorse', et l'effet de surprise ne jouant plus, cette seconde cuvée semble tout d'abord inférieure à sa devancière. Il n'en est pourtant rien mais l'œuvre réclame attention et bon nombre d'immersions pour que jaillissent ses trésors jusque là profondément enfouis . Plus les écoutes s'enchaînent, plus on mesure combien "The Girl With The Raven" est encore une fois, un très grand disque, riche de belles nuances.
Entre de rares brûlots nerveux, nimbés d'orgue Hammond ('Run Killer Run') et une curieuse plainte finale, 'In My Time Of Dying', sorte de trip psyché lancinant et squelettique presque zeppelinien dans l'esprit, l'album mise avant tout sur la retenue d'ambiances hantées finement ciselés drapant tel un suaire des compos toute en progression.
Sans mettre en jachère une lourdeur pachydermique, il suffit d'écouter les premières mesures de 'The January Sea' pour s'en convaincre, le groupe sculpte un art en définitive bien plus subtil où fusionnent en un équilibre parfait, au fond d'un creuset aux couleurs sombres, câbles heavy, lignes de guitares flamboyantes ('Ghostlight'), et effluves seventies, combinaison magique qu'illustre le gigantesque 'Pearls And Coffins', pulsation délicate qui pourtant gronde d'une force souterraine et se voit zébrée par les coups de griffes du guitariste.
Cette chronique ne serait bien sûr pas complète sans mentionner la performance ensorcelante de Jennie-Ann Smith, dont le chant, arc-boutant de cette cathédrale, démontre qu'il est possible d'accoupler Doom et voix féminines sans sombrer dans la guimauve et ou le misérabilisme gothique, participant au contraire d'une noblesse émotionnelle et d'une puissance de feu inouïe.
Creusant le sillon entamé par son prédécesseur, "The Girl With The Raven Mask" fait mieux que transformer l'essai, opus d'une très grande richesse d'écriture qui prouve que Avatarium n'est pas seulement le projet parallèle du fondateur de Candlemass mais un groupe à part entière taillé pour durer.