Fleshgod Apocalypse est une formation qui pratique un mélange de genres improbables, ajoutant à la lourdeur du death des influences de musique classique, des voix d'opéra, des interludes de piano intimiste et des enluminures symphoniques grandiloquentes. Dit comme ça, on pourrait croire que leur musique est ampoulée... mais, que nenni, car l'équilibre tirant plus vers le classieux que le grotesque, leur musique possède une couleur propre, à nulle autre pareille.
"King" marie encore une fois la crasse la plus sombre, les circonvolutions classiques angéliques et les enluminures instrumentales éclatantes. La galette propose douze pistes au niveau technique très élevé et à la musicalité constante. Les soli de six-cordes y sont véloces et les notes cristallines explosent comme une multitude de rayons irisés. Le piano intimiste éclaire les ténèbres musicales glaciales par des partitions dignes de Rachmaninov tandis que l'orchestre symphonique délivre des ambiances wagnériennes. Enfin, les lignes de chant ne se contentent pas d'éructations primales et gutturales, car une très belle voix claire vient la seconder, une soprano nous conviant par ailleurs à un oratorio majestueux.
Après une introduction digne de la "Chevauchée des Walkyries", le festin de chair et de sang débute ('Marche Royale'). Le rythme se fait plus martial alors que la guitare et la batterie s'ajoutent au fur et à mesure et que les chœurs résonnent et se fondent dans le titre suivant ('In Aeternum'). Dès lors, la guitare épaisse et la double pédale crucifient l'auditeur, la voix caverneuse enfonçant les clous de ce supplice. Néanmoins, dans cette violence surnagent des instants divins où la voix claire d'une grande beauté seconde la voix glaireuse, où la guitare tisse une mélodie construite avec amour. 'The Fool' rompt avec cette mise en place par une introduction au clavecin et des variations qui poussent plus loin les limites du genre. De-ci, de-là, le groupe ajoute des intermèdes de piano, qui au milieu de tout ce bruit et de toute cette fureur, sont des îlots paisibles, comme 'King', piste intimiste dont la mélodie
rappelle le 'Space Dye Vest' de Dream Theater. Enfin, 'Paramour' est un titre émouvant, une révélation presque mystique illuminée par les vocalises diaphanes de la magnifique soprano.
Si on savait Fleshgod Apocalypse habile pour fusionner des genres antinomiques, on découvre qu'il est aussi prompt à ériger des compositions inoubliables. "King", album aux airs de concept, est ainsi un chef-d'œuvre de noirceur, gorgé de mélodie et de sensibilité, un hommage à la musique classique, la libérant de ses carcans avec un respect immense, une œuvre majeure à l'interprétation bluffante et à la qualité inégalable. Une œuvre dans laquelle surnage une véritable beauté divine au milieu du plomb en fusion .