"Totaly Driven" est la réédition d'une compilation façon best of datant de 2001, déjà rééditée sur un label européen en 2007. Ce double album balaye exhaustivement l'immense carrière du Heep, mais ce n'est pas une compilation comme les autres puisque les titres ont été réenregistrés entièrement par le line-up le plus durablement stable du groupe (de 1986 à 2007), et c'est là le principal intérêt de l'exercice.
Quelle période de Uriah Heep préférez-vous ? Les débuts ? L'actuelle ? les années 90 ? Chacun a sa propre réponse et le choix de réenregistrer les titres cultes du début de l'aventure est à double tranchant. D'un côté les puristes qui crieront au sacrilège en entendant les 'Gypsy' ou 'Easy Livin' perdant en authenticité ou un 'Bird Of Pray' vidé de sa substance. De l'autre, les indulgents qui apprécieront d'entendre une nouvelle version de ces titres. Ceux-là trouveront également intéressant de proposer une production homogène sur un même support, mais c'est forcément au détriment d'une part d'authenticité chère aux premiers.
Pourtant la bande à Mick Box n'a pas lésiné sur la set-list très complète, ni sur la production, bien au-dessus des standards de l'époque (2001) ou encore sur le travail de réinterprétation souvent intéressant sur les anciens titres. Bernie Shaw y est même très convaincant sur les titres historiques comme 'Gypsy', 'Stealin' ou 'Traveller In Time'. Son timbre assez proche de celui de David Byron, chanteur sur les huit premiers albums, et de Geoff Tate (Queensrÿche)' sert bien les morceaux et sa puissance vocale alliée à un son rond et percutant renforce l'homogénéité de l'ensemble, à tel point qu'un béotien pourrait croire à un album actuel et y prendre beaucoup de plaisir. Il s'en tire bien sur les titres blues comme 'More Fool You' (1989) ou 'Lady In Black' (1971), grâce à son timbre chaud et rocailleux.
Cette grosse compil' de 27 titres est également l'occasion de mettre en lumière quelques titres méconnus et pourtant attachants même avec cette formule revisitée. Ainsi, 'July Morning' (1971), l'un des rares de cette compilation sur lequel Mick Box se lâche réellement, bénéficie d'un traitement plus pop, même si certains lui auraient préféré l'épique et psyché 'Salisbury' avec son solo dantesque. 'Between Two Worlds' (1998), pourtant l'un des plus récents à l'époque de la sortie, est une réussite, un brûlot hard rock pêchu au solo imparable. D'autres titres des années 80/90 pâtissent d'une platitude insipide que l'on regrettera, comme 'Only The Youngs (1998), 'Love In Silence' (1995) ou 'Cross That Line' (1991), tout à fait dispensables au regard des morceaux absents.
Si l'âme de pionnier des seventies qui a forgé la légende est forcément dénaturée ou bien difficile à retrouver, l'esprit est respecté. Mais on peut légitimement se poser la question de la pertinence d'une telle sortie, surtout 15 ans après son premier pressage. Hormis celle d'un intérêt purement économique (pour ne pas dire mercantile), son seul intérêt est probablement de faire connaître l'ensemble de l'œuvre aux plus jeunes et aux néophytes. Mais les moins fainéants d'entre eux feraient mieux de se pencher sur "Salisbury", "Demons And Wizards" ou "Firefly" s'ils veulent comprendre ce qu'est le Heep et ce qu'il représentait au début des seventies. Inutile de vous dire que les esthètes du groupe bouderont également cette sortie qui, du coup, ne semble réservée qu'aux collectionneurs compulsifs.