Si vous avez envie de vous laisser bercer par une douce musique ou guider vers un état hypnotique, ou encore de voyager dans des contrées oniriques aux paysages mordorés, dressez vos oreilles au son de Hypno5e qui nous offre une galette hors des sentiers battus, un voyage étrange et halluciné, une musique oscillant entre violence et oraison incantatoires, nourrie de contrastes et de sensations variées.
La rondelle se découpe en cinq étapes poignantes habitées par la passion et l'aventure depuis la première note jusqu’à l’ultime soubresaut. Mais bien loin des expérimentations stériles, la musique de Hypno5e est le patchwork de nos angoisses contemporaines. 'Landscape in the Mist' débute par un piano ténébreux plein de douceur qui conduit inévitablement vers un voyage onirique. Puis vient 'In our Deaf Lands' et son introduction presque joyeuse qui se mue bientôt en rythme marteau-pilon, alors que les voix criées font penser à Elend. Néanmoins cette violence n’est qu’un prétexte à magnifier encore plus la sensibilité, comme le prouve la récitation émouvante de "Planches courbes". Puis la rupture vient avec 'Tio' : alors que les compositions précédentes jouaient du contraste entre violence animale et ambiances éthérées, celle-là est une douceur sucrée au milieu d'un déluge de plomb en fusion diffusant une certaine chaleur méridionale.
Les instruments rivalisent de finesse, nous caressant l’échine avant de nous asséner de puissants uppercuts. La guitare tisse un fil ténu, égrène des arpèges suaves, puis entonne une rythmique metal, voire presque death ; la batterie cajole nos sens de ses rythmiques souples, lentes et contemplatives, avant qu’une double-pédale marteau-pilon ne nous assomme ; la voix nous susurre un certain désenchantement puis nous noie sous un déluge de violence et de colère.
Ce principe d'alternance se retrouve également dans les textes dont certains sont empruntés à des auteurs classiques, insérant des citations poétiques dans le discours musical : "Planches Courbes" d’Yves Bonnefoy est une invocation presque mystique alors que les passages de "Voyage au bout de la nuit", lus par Arletty, résonnent d’accents à la fois lyriques et violents, jouant avec le noir et le blanc du monde comme dans un vieux film policier.
"Shores of the Abstract Line" est une illumination divine, une musique en clair-obscur nous emmenant constamment sur des montagnes russes. La recherche expérimentale ne se fait jamais au détriment de l’intérêt car la musique reste émouvante tout en étant avant-gardiste. La rondelle est un chef-d’œuvre inoubliable qui réjouira les amateurs de cinéma, de littérature et de musique sensuelle, étrange et violente.