Un an après leur ambitieux premier concept album "Passio Secundum Mattheum", le trio italien Latte e Miele revient avec un second disque à l'ambiance fort différente. En effet, le caractère fortement liturgique dans lequel baignait "Passio" a totalement disparu, "Papillon", affranchi du carcan conceptuel, voletant plus légèrement d'un style musical à l'autre. Quatre titres constituent cet album et, une fois n'est pas coutume, c'est à une analyse titre par titre que nous nous livrerons tant chacun est différent des autres ou peu s'en faut.
Le titre éponyme donnant son nom à l'album est une longue suite (presque 20 minutes) découpée en huit chapitres et racontant l'histoire d'une marionnette appelée Papillon qui, après quelques mésaventures, va se transformer en petit garçon. Si l'histoire semble fortement inspirée de Pinocchio, la musique, elle, est un mélange d'ELP, de Camel et d'Ennio Morricone.
L'utilisation des nombreux claviers vintage, orgue Hammond en tête, le phrasé et l'attirance du groupe pour les mouvements classiques ne peuvent que rappeler le trio britannique. Comment en effet ne pas penser à 'Tarkus' dès l'ouverture ou à 'The Great Gates Of Kiev', littéralement cité sur 'Il Mercato' ?
Ce mélange de rock et de classique évoque également dans une moindre mesure "The Snow Goose" de Camel dès lors que la musique s'apaise et que s'invitent des sonorités de basson et de hautbois ('La Fuga', 'L'Arresto', 'Il Verdetto'). Enfin, les chœurs naïfs et totalement décalés semblent sortir de ces thèmes décontractés illustrant un western spaghetti dont Morricone a le secret.
Ajoutez à ce curieux mélange le fait que chaque chapitre commence par la même petite comptine enfantine et vous comprendrez qu'il est bien difficile de déterminer où commence le chef-d'œuvre et où s'arrête la plaisanterie.
'Patetica', autre monument de l'album du haut de ses 16'42", va chercher son inspiration dans les œuvres classiques. Des emprunts à Beethoven, Tchaïkovski et Vivaldi, joués de façon très académique, alternent avec un jazz rock enlevé, parfois plus jazz que rock, toujours très inspiré par ELP, notamment par son "Pictures at an Exhibition". Seule la 'Parte Terza' est chantée, accompagnée à la guitare acoustique, et là encore, il est difficile de ne pas faire le parallèle avec les titres sur lesquels Greg Lake se mettait en avant, reléguant Emerson au rôle d'accompagnateur.
Les deux autres titres, très courts, sont deux morceaux de jazz enlevés. 'Divertimento' alterne sur quelques secondes une interprétation classique et une interprétation jazz d'un même thème alors que 'Strutture', complètement jazz, multiplie les morceaux de bravoure à la guitare et au piano.
"Papillon" laisse l'impression frustrante que Latte e Miele est passé à deux doigts du chef-d'œuvre. Les compositions sont inspirées, les ambiances diversifiées et l'interprétation frôle la virtuosité. Mais certaines erreurs (sept fois la reprise du thème de 'Papillon', l'interprétation trop classique de 'Patetica') et surtout les influences bien trop perceptibles agacent à la longue. Néanmoins, le disque réserve de bien agréables moments et il serait dommage que tout amateur de délicatesse et de virtuosité ne jette pas une oreille sur cette curiosité.