Malgré deux albums ne manquant pas de caractère et d'audace, Latte e Miele ne connaît pas la notoriété à laquelle il aspire et se sépare en 1974. Deux ans plus tard, le batteur Alfio Vitanza ressuscite le groupe avec un line-up complètement renouvelé, le trio devenant par la même occasion quatuor, basse et guitare étant tenues par deux musiciens distincts. Les compositions des deux albums précédents étant principalement l'œuvre de l'ex-claviériste Oliviero Lacagnina, ce nouvel opus risque fort de s'éloigner de ce à quoi les Italiens nous avaient habitués.
La première constatation qui saute aux oreilles, c'est que l'influence presque gênante d'ELP a totalement disparu avec Lacagnina. Son successeur aux claviers, Luciano Poltini, s'il n'a pas renoncé à l'orgue Hammond, utilise beaucoup le clavinet et son jeu est moins emphatique (certains disent "pompier"), plus moderne, parfois à la limite de la pop. Les compositions, écrites à huit mains, ne servent aucun concept et les références au classique et au jazz, si elles sont encore présentes, sont nettement moins prégnantes.
La première face contient quatre titres alternant le bon et le moins bon. 'Aquile e Scoiattoli', sans relief, réussit l'exploit d'ennuyer l'auditeur malgré sa brièveté et 'Opera 21' a le mauvais goût de réinterpréter à la sauce pop nappée de sonorités kitsch un titre de Beethoven, un peu à la manière de ce que faisaient les Hollandais d'Ekseption. Fort heureusement, 'Vacche Sacre', ses guitares floydiennes, ses chœurs psychédéliques et sa bonhomie canterburienne, et le mélancolique 'Menestrello', sublimé par un violon langoureux, relèvent le niveau.
Mais le morceau de bravoure tient sur la seconde face que 'Pavana' et ses 23'45" occupent en entier. Contrairement aux habitudes du groupe, ce titre long n'est pas subdivisé en sous-parties. Et surtout, Latte e Miele n'a pas cru bon d'annoncer chaque changement de thème par une narration ou une ritournelle comme c'était le cas sur "Passio" et "Papillon", Du coup, passée la surprise des quatre premières minutes où les changements incessants de thèmes déconcertent, donnant l'impression que le groupe ne sait pas très bien où il va, 'Pavana' installe une atmosphère fort agréable dans laquelle l'auditeur se laisse bercer par la musique fluide et folâtre. Le titre entièrement instrumental prend le temps de nous emmener dans ses méandres, alternant mouvements vifs et lents, passages gais et mélancoliques, l'ambiance globalement sereine, la multitude de petits thèmes qui s'enchaînent sans véritable transition et les petites touches classiques et jazz faisant beaucoup penser à Isildur's Bane.
Malgré la bonne tenue de cet album, et la très grande qualité de sa seconde face, cette nouvelle mouture de Latte e Miele ne connaîtra pas plus de succès que la précédente. Le groupe se séparera et il faudra attendre 33 ans avant qu'il ne sorte un quatrième album. N'attendez pas autant de temps pour découvrir ce disque injustement méconnu.