Alors que ses admirateurs ne devaient plus l'espérer, Latte e Miele renaît de ses cendres après un mutisme de trente-trois ans, si l'on excepte la parenthèse que constitue "Vampyrs" enregistré en 1979 mais sorti en CD seulement en 1992, pratiquement introuvable aujourd'hui, et dont le contenu pop-rock est fort éloigné des productions habituelles du groupe. Reconstitué autour de son line-up originel augmenté du bassiste Massimo Gori, rescapé de la seconde mouture, pour une série de concerts en 2008, le groupe enregistre le cinquième album de sa carrière et revient à ses premières amours avec ce "Marco Polo - Sogni e Viaggi", concept-album bâti sur la vie du célèbre marchand vénitien Marco Polo.
Comme c'est souvent le cas pour les concept-albums, le disque doit être appréhendé comme un tout et, même si tous les titres ne sont pas systématiquement enchaînés les uns aux autres, aucun ne se détache vraiment de l'ensemble. De son départ vers la Chine à son emprisonnement à Gênes (dont sont originaires les musiciens de Latte e Miele), en passant par le désert de Gobi, Pékin et sa rencontre avec l'empereur mongol Kubilai Khan, c'est 27 ans de la vie de Marco Polo qui défilent en 14 petites compositions soignées.
L'album est à la fois très uniforme et très varié. Uniforme dans le style, orchestral, cinématique, lyrique et romantique, idéal pour narrer cette épopée. Le groupe se fait accompagner d'un quatuor à cordes, de chœurs et d'un orchestre dirigé par Oliviero Lacagnina, le claviériste. Ce recours à une formation élargie permet de donner à la musique toute la majesté souhaitée lors des mouvements amples qui reconstituent cette fresque ('Via Si Va', 'I Crociati', 'La Battaglia Di Curzola').
Mais, si l'unité de ton est de mise, la variété réside dans l'interprétation. Celle-ci alterne orchestrations chatoyantes et moments épurés, oppose les solos délicats d'instruments acoustiques (guitare, piano) aux envolées turbulentes des orgues (Hammond en tête), synthés et guitares électriques. L'interprétation vocale passe du très théâtral ('Pechino') au très romantique ('Via Si Va', 'L'Ultimo Unicorno'), agrémentée de chœurs ou de chant lyrique ('Il sogno') donnant au tout un petit côté opéra-rock. La musique souvent épique tourne parfois à l'ethnique ('Il Deserto Del Gobi', 'Pechino', 'Kubilai Kan'), restituant au final un résultat très coloré.
Une belle performance instrumentale, des compositions agréables, beaucoup de classe et d'allure, une diversité "homogène", tiendrions-nous là l'un des joyaux de l'année 2009 ? Et bien, non ! Comme à son habitude, Latte e Miele tutoie le chef d'œuvre sans vraiment l'accomplir. L'album est certes agréable, mais on ne peut s'empêcher par moments d'avoir l'impression d'écouter la BO d'un dessin animé de Walt Disney, mêlant grandiloquence et romantisme un peu mielleux ('Via Si Va', 'I Crociati', 'Pechino', 'L'Ultimo Unicorno', 'La Prigione'). Il manque le dessin animé pour être réellement efficace.
"Marco Polo" plaira certainement plus à tous ceux pour qui prime la joliesse des mélodies qu'à ceux qui cherchent avant tout l'exquis frisson. Mais, ne serait-ce que pour apprécier la délicatesse des arpèges de la guitare ou des envolées virtuoses de l'orgue, ce disque mérite bien le temps d'une écoute.