Occupés à la fois par leur modeste label VCO Recordings dédié à la musique électronique en format cassette uniquement et par leurs projets parallèles, notamment Majeure dont le nouvel album, "Union Of Worlds", est publié au même moment, cela faisait donc longtemps que A.E. Paterra et Steve Moore ne nous avaient pas régalés les cages à miel avec Zombi, leur principale aire de jeu, depuis 2011 en fait et l'excellent "Escape Velocity".
A l'écoute de cette septième rondelle, en comptant un split partagé avec Maserati, on mesure combien cette période d'abstinence longue de quatre années, a été bénéfique au duo qu'on retrouve plus inspiré que jamais. Toujours fidèle à un space-rock instrumental nourri aux bandes originales de films, ceux de John Carpenter et des gialli italiens, le tandem parvient avec "Shape Shift" à se réinventer avec brio et intelligence, quand bien même leur patte demeure aisément identifiable.
De fait, on reconnaît d'emblée ce tapis d'effluves synthétiques tricoté avec une énergie ondulante ('Pillars Of Dawn') que souligne une rythmique hypnotique et c'est déjà un plaisir en soi. Les Américains auraient pu s'en contenter. Au contraire, ils accouchent cette fois-ci d'un opus subtilement différent de ses aînés. Différent par son architecture faite de pistes dans l'ensemble plus ramassées que de coutume, à l'exception de l'une d'entre elles, sur laquelle nous reviendrons.
Différent par sa sombre lenteur, à laquelle Zombi nous a certes toujours habitués mais qui prend ici une toute autre dimension, se répandant tout du long. Si certains passages, très progressifs ('Total Breakthrough') surgissent par moments, ils se diluent dans la semence crépusculaire d'une mélancolie lancinante, ce qu'illustrent des plaintes telles que le nocturne 'Shadow Hand' et surtout 'Interstellar Package', qu'on verrait bien faire office de B.O. d'une pellicule horrifique des années 80.
Bien que les synthétiseurs "dégueulent" (forcément) de toutes parts, basse généreuse et percussions trippantes se taillent la part du lion comme jamais. Il suffit d'écouter 'Mission Creep' ou 'Toroidal Vortices' pour s'en convaincre, titres qui palpitent d'une sève pulsative. Il en résulte un album à la fois homogène et riche de ses tessitures addictives et gondolantes, lequel culmine avec le bien nommé 'Siberia II'.
Durant près de quinze minutes, A.E. Paterra et Steve Moore tressent un canevas étiré et volontairement répétitif d'une langueur glaciale presque lugubre qui semble ne jamais vouloir mourir. Aux claviers noirs et enveloppants vient peu à peu se greffer, en un orgasme terminal et démentiel, une batterie dont le pouls confine à une forme de transe. On tient là sans aucun doute l'une des compositions les plus réussies des Américains, conclusion idéale d'un album en tout point remarquable dont la maîtrise et le juste équilibre entre pulsations entêtantes et ondulations galopantes sonnent comme un aboutissement dans la carrière du groupe.