Avec "Power And Passion" (1985), les frères McManus ont franchi un palier et tourné en première partie de pointures telles que Bon Jovi, Foreigner ou Iron Maiden. Cette période est cependant attristée par les problèmes de santé de Tommy, victime d'une rechute de la leucémie dont il souffre depuis l'âge de 9 ans, et qui doit être momentanément remplacé par Jimmy DeGrasso (Y&T). Afin de continuer leur conquête du marché américain, et sous la pression de leur label, les Mama's Boys décident d'embaucher un chanteur à temps plein. Après une expérience peu convaincante avec un certain Rick Chase, c'est finalement à Keith Murrell (ex Airrace) que le poste est confié. C'est donc sous la forme d'un désormais quatuor que les Irlandais enregistrent ce nouvel opus intitulé "Growing Up The Hard Way" censé leur permettre de s'installer enfin aux côtés des groupes les plus importants du genre.
Pourtant, cet album va en déstabiliser plus d'un. Clairement orienté vers un hard mélodique dit FM, il va être interprété comme une trahison par de nombreux fans qui en occulteront les qualités pourtant évidentes. Portée par la voix chaude et gorgée de feeling de Keith Murrell, la musique de Mama's Boys se fait accessible à un plus grand nombre sans y perdre son énergie et son sens de la mélodie imparable. Des titres tels que 'Bedroom Eyes', 'Hot Blood' ou 'Blacklisted' restent d'ailleurs dans la lignée des albums précédents, ne différant de ces derniers que par une production moins brute. Les racines blues-rock restent prégnantes et les refrains sont à la fois directs et accrocheurs. Les soli de Pat McManus sont toujours aussi lumineux alors que l'apport d'orgues discrets ou d'un harmonica ('Bedroom Eyes') viennent enrichir l'ensemble.
Mais ce sont les titres les plus FM qui vont créer la polémique. Pourtant, que cela soit le single 'Waiting For A Miracle' avec son changement de rythme entre les couplets et le refrain, l'envoûtant mid-tempo 'In Over My Head' qui ne sombre jamais dans la mièvrerie, ou la ballade 'Running Away' dont l'émotion est renforcée par une accélération sur son refrain, ces chansons restent de belles preuves du talent des trois frères et de leur nouveau compagnon. Le combo se lance même dans quelques expérimentations avec la reprise survitaminée du 'Higher Ground' de Stevie Wonder à l'énergie irrésistible, ou le groovy 'I've Had Enough' avec sa basse en tapping, pour un résultat à redonner le sourire à un dépressif profond. Le tout prend fin avec l'instrumental 'Last Thing At Night' qui vient rappeler à tous que Pat McManus est un guitariste capable de transmettre les émotions les plus délicates sans en faire trop.
Alors que de nombreuses formations se sont totalement rétamées en tentant de faire prendre un virage FM à leur musique, les Irlandais réussissent leur mutation avec talent et enthousiasme. Les intentions mercantiles ne peuvent pas être ignorées mais elles ne doivent pas éclipser la qualité du résultat sans point faible de cet album. Malheureusement, les ventes ne seront pas à la hauteur des attentes alors que plusieurs fans lâcheront le groupe en se sentant trahis. Il n'est cependant pas trop tard pour redécouvrir ce "Growing Up The Hard Way" et lui rendre ainsi l'hommage qu'il mérite.