Si de nombreux musiciens cultivent, si ce n'est une certaine rareté, du moins une fréquence de publications discographiques raisonnable, d'autres s'avèrent de véritables stakhanovistes de la production musicale, et Billy Sherwood, bassiste de formation, émarge sans aucun doute dans cette catégorie.
Apparu sous le feu des projecteurs en rejoignant Yes sur l'album "Talk", associé de près ou de loin depuis à toutes leurs nouvelles productions studio au point d'en faire le candidat naturel en 2015 à la succession du défunt Chris Squire, notre homme se multiplie dans de nombreux projets, qu'ils se nomment World Trade, Conspiracy, Circa, Yoso, The Prog Collective et autres tributes et collaborations en tous genres. Et non content d'imprimer sa patte dans tous ces projets, l'artiste trouve encore le temps de se construire une carrière en solo, dont la présente compilation se veut le reflet. Publiée en même temps que son dernier album, elle couvre la période 1999-2014 et ses sept premiers albums solo, et comporte également deux titres inédits.
Pour ceux qui n'auraient pas encore eu l'occasion d'écouter la musique de Billy Sherwood, celle-ci se rapproche avec plus ou moins de bonheur des œuvres de Yes estampillées du sceau d'une certaine modernité. Avec un timbre de voix plutôt aigu se rapprochant (pas trop quand même) de celui de Jon Anderson, et un jeu de basse très mélodique singeant celui de Chris Squire, l'illusion pourrait être parfaite.
Hélas, et comme bien souvent dans les différents projets de M. Sherwood, le bon côtoie toujours le passable, et parfois même le médiocre, cette compilation ne faisant que refléter cette tendance. Les cinq premiers titres vont donner le ton, convoquant le Yes de la période "Open your Eyes" avec ses mélodies sans queue ni tête ('On Impact', 'Call'), des arrangements coup de poing qui donnent régulièrement l'impression d'être totalement déphasés du chant, ce dernier ne relevant d'ailleurs guère le niveau avec un doublage systématique devenant vite insupportable ('Seeing Through the Walls'). Le comble est même atteint par la "grâce" de 'Dying Breed', sorte de démo grotesque et lourdingue. Seul 'Drone Deciphers' donne quelque peu le change du fait d'une deuxième moitié bien balancée et débarrassée des scories soupe au lait de l'entame.
La deuxième moitié de l'album est heureusement plus réjouissante, présentant une collection de titres aux mélodies enfin… mélodiques (!), navigant entre pop/rock et le Yes de la période "Talk" ('The Recurring Dream'), et laissant de la place aux parties instrumentales. On mettra ainsi à l'honneur le dynamique 'What Was the Question', où la guitare claire pleine de reverb' et la basse inspirée donnent (enfin) des raisons d'être à ce best of, les deux dernières plages étant également du même tonneau.
A l'image des albums de Yes auxquels il a collaboré (de l'excellent "The Ladder" à l'infâme "Open your Eyes"), la carrière solo de Billy Sherwood suit des méandres parfois bien difficiles à cerner, passant (parfois même au sein d'un même morceau) de moments de grâce à des instants où l'auditeur est en droit de se demander s'il s'agit bien du même artiste, démontrant une sorte de schizophrénie musicale. A cette image, "Collection" reste une compilation à moitié ratée… ou réussie, à vous de décider.