Septième album d'Unified Past, groupe américain qui a une quinzaine d'années d'existence, "Shifting The Equilibrium" marque une inflexion dans la carrière du combo. Jusque-là trio où le guitariste (et claviériste) Stephen Speelman assurait le chant, le groupe a confié le micro à Phil Naro, une connaissance du batteur Victor Tassone, les deux participant au projet Corvus Stone.
Unified Past se positionne comme un groupe de power prog', avec des racines implantées près de Dream Theater (l'intro de l'album sonne quasiment comme 'Pull Me Under' ...). Cependant, le timbre clair et haut placé de Phil Naro, pas si éloigné de celui de Jon Anderson, emmène le chant dans des sonorités yessiennes ('Today Is The Day'). L'opposition entre une rythmique marquée et un chant aérien n'est certes pas originale - les groupes de metal prog à chanteuse sont légion -, mais c'est ici une identité nouvelle pour le combo.
Techniquement, Unified Past maîtrise parfaitement son sujet : la rythmique est carrée, les claviers s'équilibrent bien avec les guitares, la production est claire et profonde, les amateurs de technique trouveront leur compte en soli guitaristiques et petits coups de double pédale. Il y a indéniablement un savoir-faire éprouvé dans ce "Shifting the Equilibrium".
C'est plutôt du côté émotionnel que les manques se font sentir. Le son est cliniquement froid, avec une batterie très triggée donnant un son bien compressé - une manie très présente dans les cercles metal -, le toucher de guitare de Stephan Speelman manque cruellement de relief, tout comme le chant de Phil Naro, souvent en force. Le groupe ne s'accorde aucun temps calme, restant perpétuellement dans la densité ('Peace Remains in This World', fatigant au bout du compte) alors que le chant permettrait au contraire de ménager des plages plus sensibles, bien absentes de l'album. Stephen Speelman préfère se réfugier dans la démonstration de son savoir-faire guitaristique ('Déviation From A Theme', lassant). Même quand le groupe se lance dans un morceau plus épique à thèmes multiples ('Etched in Stone', pourtant bien conçu), l'auditeur reste en manque de continuité ou de bon gros solo qui s'envole.
Reste un album très propre et techniquement irréprochable. Le metal progressif ne peut pas se contenter de ces deux seuls adjectifs, il faut lui ajouter la sensibilité qui permet - voire parfois qui impose - à l'auditeur d'avoir l'envie de réécouter...