Après un premier album tout autant remarqué par son éclectisme que par son excentricité, le groupe de metal industriel Broken Down est de retour avec son second ''crachat'' (le premier album s'appelait ''First Spit'') : ''The Other Shore''. Derrière ce nom suggestif se cache en fait le projet personnel du musicien bordelais Jeff Maurer. En neuf titres, Broken Down va vous transporter dans un univers particulier.
Jeff Maurer n'aime pas les étiquettes et lui en coller une est moins une façon de le faire rentrer dans une case prédéfinie que de dégager une ligne de fuite empruntée tout au long de cet album. Cet éternel étudiant de la musique a mis en avant le metal industriel sur cet album, par sa propension à faire parler la poudre à la manière de son modèle évident Nine Inch Nails, mais sans pour autant être contaminé par le syndrome du copycat. 'Mr.Sun' résume parfaitement cet état d'esprit. Des guitares sales écrasent tout sur leur passage, aidées par les boîtes à rythmes squelettiques. Mais le morceau sait évoluer, voire progresser et s'accélère tout autant qu'un chant d'abord rageur, puis fantomatique et plus possédé par la suite. 'Puzzle' qui ferme l'album semble ne laisser que peu d'espace à la tendresse, guitares hautes, growls infernaux et refrain fédérateur à la Rammstein, tout comme 'This Art Is Mine', qui possède un rythme garage.
Mais Jeff Maurer aime nous piéger dans ce labyrinthe expérimental. Les claviers jouent ici un rôle prépondérant d'ouverture, prouvant que la créativité d'un artiste ne s'encombre pas d'œillères. Sur le titre éponyme, les claviers tempèrent la chaleur étouffante des guitares (l'écrin de douceur des synthétiseurs est nécessaire face au chaos de 'Speculator'). Lorsque les claviers prennent le leadership, un miracle se produit et nous voilà parvenus dans une nouvelle salle. 'Rearview Mirror' avec sa mélodie reproduite au milieu d'un océan en ébullition, qui éclate sur la piste suivante 'Scribble Your World' à grands renforts de growl (toutefois au bord du grotesque) s'apparente à de l'atmosphérique tandis que le trop bref instrumental 'Baine', s'offre des horizons épiques dignes d'Ennio Morricone.
Le travail des voix est remarquable, et bien malin celui qui saura affirmer avec une certitude aveugle que toutes ces voix ont un seul dénominateur commun. Sa capacité à s'illustrer tout autant dans le metal, le hip-hop ou le rock est assez surprenante ('Alienated Music' en offre une magnifique illustration). L'accent français très prononcé n'est pas un défaut, mais apporte une immersion plus immédiate dans l'état d'esprit du psychopathe artistique caché derrière Broken Down.
Broken Down nous livre une seconde mise au point, que l'on pourrait déplorer trop courte (on dépasse la demi-heure comme sur le second Nine Inch Nails, pourtant sans véritable coïncidence, qui s'appelait 'Broken' ! ), mais dont l'osmose est immédiate pour le mélomane tolérant et avide de nouveaux défis. En passant de l'autre côté du rivage, Jeff Maurer a accompli un chemin de croix pour regagner la lumière et devenir l'un des grands espoirs français de la scène metal industriel. A noter que le site officiel du groupe offrait en téléchargement les pistes séparées afin que l'auditeur se fasse son propre remix !