Si "Back In Blood" (2009) montrait un groupe en pleine forme, "X" (2012) voyait plutôt The 69 Eyes jouer la carte de la sécurité avec un opus sans faille réelle, mais sans la moindre prise de risque. "Universal Monsters" marque quant à lui le retour en force de Johnny Lee Michaels à la production. Sans avoir réellement quitté son entourage, celui qui avait permis aux Vampires d'Helsinki d'imposer leur style avait vu son implication décliner. Son retour aux affaires est donc synonyme d'espoirs pour tous les amateurs du groupe, en particulier depuis "Blessed Be" (2000) qui avait figé ce mélange à la fois gothique, glam et rock'n'roll.
Et autant le dire, ces espoirs se voient réalisés, les Finlandais réussissant le tour de force de marier tradition et évolution en alternant des titres classiques avec d'autres plus surprenants. La recette est toujours portée par la voix si typique de Jyrki 69, grave et sensuelle, mais même celui-ci se lance dans quelques envolées prouvant qu'il est capable de se remettre en question pour traduire une belle palette d'émotions. Le début d'album mise sur l'efficacité avec le gros riff d'un 'Dolce Vita' à la fois puissant et sombre, et le single imparable 'Jet Fighter Plane', pop-gothique à la Billy Idol aux paroles engagées et aux chœurs assurés par les compatriotes de Santa Cruz. C'est une fois ces fondations posées que The 69 Eyes commencent à distiller les surprises avec un savant dosage retenant l'attention sans désorienter l'amateur. Ainsi, dans un registre frais et entraînant, 'Miss Pastis' ajoute quelques touches françaises (sonorités d'accordéon, refrain 'salut ça va' dans le texte) à son rock'n'roll à la fois étonnant et imparable. Quant à 'Rock'n'Roll Junkie', il replonge dans les origines stoniennes du groupe pour clôturer l'album avec succès sur une inhabituelle dose de bonne humeur.
Parmi les titres qui envoûteront l'auditeur, nous citerons parmi les plus incontournables un 'Blackbird Pie' orchestral et épique dans une ambiance de western gothique. L'introduction, l'ambiance et le solo sont typiquement country-folk pendant que le son et le refrain restent ancrés dans la noirceur mélancolique habituellement véhiculée par le style d'origine du groupe. Renforcé par des chœurs et un refrain fédérateurs, ce titre se révèle à la fois étonnant et envoûtant. Plus mystique et torturé, 'Jerusalem' reste dans cette même veine épique. Mid-tempo complexe et renforcé par un chant oriental sur son final, il fascine l'auditeur pour l'entraîner en douceur dans son obscurité inquiétante et ensorcelante. Quant à 'Blue', il se fait aérien et calme pour nous envelopper d'un voile vaporeux et mélancolique, captivant grâce au chant déchirant de tristesse contenue d'un Jyrki 69 époustouflant. Dans un autre style, la performance de ce dernier sur 'Stiv & Johnny' n'est pas sans rappeler un Marilyn Manson au sommet de sa forme. Habité et bluffant, il transfigure un titre relativement classique en une œuvre théâtrale fascinante.
Sans réel point faible, même si certains titres se révèlent finalement plus dispensables lorsqu'ils se retrouvent comparés aux différents sommets énoncés plus hauts, "Universal Monsters" s'impose tout simplement comme un des tous meilleurs albums de The 69 Eyes. Après 27 ans de carrière, les Helsinki Vampires prouvent qu'ils sont encore capables de se renouveler sans pour autant se renier. Ce délicat équilibre se révèle rapidement addictif et devrait satisfaire les fans habituels tout en permettant aux Finlandais d'élargir leur auditoire qui reste encore injustement limité dans l'hexagone. Accessible sans céder à des sirènes commerciales trop faciles, cet opus et ses auteurs méritent d'accéder à un niveau de reconnaissance dont ils bénéficient déjà dans d'autres pays. À vous de jouer.