Même si Phil Collins est le membre de Genesis qui connut le plus grand succès international dans sa carrière solo, il a été le dernier à se lancer : Steve Hackett a sorti son "Voyage Of The Acolyte" en 1975, avant même le départ de Peter Gabriel, tandis que Tony Banks et Mike Rutherford enregistrent quasi simultanément (fin 1979) leur premier opus. Il faudra encore plus d'une année pour que le batteur de la Genèse fasse paraître son "Face Value", coincé entre deux productions rapprochées de Genesis, "Duke" (mars 1980) et "Abacab" (septembre 1981).
Si Tony, Steve et Mike restent (au moins dans leurs débuts) dans un style marqué par le progressif, les deux chanteurs de Genesis vont choisir d'autres terrains de jeux : Peter va explorer les terres de la World music, tandis que Phil va choisir une orientation nettement plus mainstream.
Évidemment, faire partie d'un des groupes les plus célèbres du monde ouvre des perspectives. Phil Collins a ainsi pu réunir quelques pointures pour l'assister : John Giblin (Peter Gabriel, Kate Bush, Jon Anderson, Simple Minds ...), Alphonso Johnson (Weather Report, Santana, Michael Jackson), Daryl Stuermer (Genesis en live), plus un certain Eric Clapton et la section cuivres des Earth Wind & Fire, les Phenix Horns. Bercé pas les ambiances de la Motown dans son jeune âge, Collins a en effet tenu à incorporer cette coloration dans sa musique, et cela restera une de ses marques de fabrique tout au long de sa carrière.
Autre marque de fabrique, l'utilisation du Drum Machine. Si son utilisation a surpris, voire déçu les fans du batteur de renom qu'est Phil, ce n'est pas la première fois qu'il l'utilise, l'intro de 'Duchess' dans "Duke" témoignant de son intérêt pour ce procédé déjà employé par Peter Gabriel. Les percussions synthétiques imprègnent le premier titre de l'album, 'In The Air Tonight', devenu tube mondial par son caractère atmosphérique particulier que Phil déclinera plusieurs fois par la suite.
Le reste de l'album se situe dans des climats plus traditionnels, majoritairement soutenus par les cuivres des Phenix. La plupart des mélodies sont simples, easy-listening, à l'image d'un 'Thunder And Lightning' au refrain bateau, ou d'un 'I'm Not Moving' aux faux airs de 'Spot The Pigeon' en plus léger. Les titres qui ressortent le plus sont les atmosphériques 'This Must Be Love' dans un registre assez soul, ou 'The Roof Is Leaking' avec son banjo slide aux consonances country. À noter deux reprises dispensables, 'Tomorrow Never Knows' des Beatles, qui a ici perdu tout son côté psychédélique, et 'Behind The Lines' d'un certain Genesis, dans une version funky ludique mais plutôt inappropriée.
Nous sommes donc très éloignés du registre genesien. Phil Collins a opté pour une ligne résolument commerciale, ce qui s'avérera payant, les ventes excédant les dix millions d'exemplaires. Les charts y trouvèrent leur compte, les amateurs de musique progressive, beaucoup moins.