Chanteur et guitariste leader du groupe suisse de doom-metal Zatokrev, Frederyk Rotter aborde avec "Faces" un univers musical complètement opposé à celui de son groupe d'origine. Sous le patronyme de The Leaving, l'artiste balaie des territoires exclusivement acoustiques servant de creuset à l'évocation des relations humaines sous toutes leurs formes.
Et les dix compositions qui ornent "Faces" se posent effectivement comme autant de perles mélancoliques, aux couleurs évoquant un hiver aux heures de lumière plutôt rares. Accompagné sobrement à la guitare acoustique, sous la forme bien souvent de quelques notes arpégées, Frederyk Rotter délivre des mélodies délicates d'une voix que l'on sent toute en retenue, à la limite de la rupture, ce qui ne l'empêche pas d'en conserver toute la maîtrise. Soutenue régulièrement par un filet de cordes ('Faces', 'Mountain') ou plus rarement par la voix féminine d'Alexandra Werner, son interprétation flirte souvent avec le fil du rasoir, et il conviendra de porter une attention toute particulière à cette musique pour en ressentir toutes les émotions, oreilles tendues pour ne pas rater une note aussi ténue soit-elle.
Inévitablement, et comme bien souvent dans ce genre d'exercice de style, une certaine monotonie - générée par une instrumentation minimaliste entraînant un spectre musical restreint – finit par s'installer, et ce malgré quelques mélodies lumineuses (on pense par exemple au superbe 'Hurtmachine', à l'opposé complet du plus que minimaliste 'Drug'). Et pourtant, glissé tout au bout de l'album, le bien-nommé (et splendide) 'Pulse' vient apporter un souffle nouveau en amenant un peu de vigueur (tout est relatif) à l'ensemble, montant quelque peu le curseur du volume en emplissant l'espace sonore, jouant également sur une durée allongée permettant quelques variations de style, et faisant aussitôt regretter l'absence d'autres titres du même style intercalés entre les différentes mélopées délicates qui constituent l'essence même de "Faces".
Dans une démarche qui n'est pas sans rappeler celle de Mark Hollis (Talk Talk) mais dans un style néanmoins différent, Frederyk Rotter nous délivre ici un album à écouter à tête bien reposée. Sans éviter l'écueil du tout acoustique qui engendre quelque lassitude par manque de variété, "Faces" se déguste néanmoins d'une seule traite. A consommer toutefois avec modération.