A peine le temps de laisser retomber le soufflé de "Messin'" que Manfred Mann's Earth Band remet le couvert avec dans un premier temps la parution de son premier single, 'Joybringer', puis celle de l'ambitieux "Solar Fire", publié moins d'un an après son prédécesseur.
Si les ambitions progressives de Manfred Mann's Earth Band commençaient à poindre le bout de leur nez sur "Messin'", ce nouvel opus de 37 minutes se pare résolument de ces atours en vogue dans cette année 1974. Et quelle plus belle illustration pour débuter les hostilités que ce 'Father of Day, Father of Night', reprise d'un morceau de 90 secondes de Bob Dylan et étendu à près de 10 minutes ! Cette première grande fresque mid-tempo débutée par des chœurs féminins éthérés est littéralement portée par les claviers de Manfred Mann, offrant de surcroît quelques soli de guitare très mélodieux et des passages instrumentaux aux arpèges chromatiques rappelant l'Ange d'"Au-Delà du Délire" (paru en cette même année, un hasard ?).
Après une aussi belle entame, le groupe ne pouvait décidément pas baisser de pied, et si 'In the beginning' se positionne dans un registre plus musclé, évoquant Deep Purple période "Fireball", le titre éponyme 'Solar Fire' va venir enfoncer le clou de la plus belle des manières : basse ronflante, rythmique impaire, voix féminines et claviers cosmiques à la Eloy, ce morceau est une véritable perle progressive entêtante.
Et pour rester dans le registre "galactique", Manfred Mann's Earth Band va clôturer l'album par trois titres inspirés par une œuvre d'un certain Gustav Holst (Planet's Suite), mais pour lequel le groupe n'a pu disposer des droits d'adaptation. Qu'à cela ne tienne, tout en conservant le thème, Manfred Mann's Earth Band a écrit sa propre partition, nous livrant tout d'abord un instrumental débuté sur un rythme pataud avant de se transformer en une cavalcade effrénée menée par un dialogue guitare/claviers ('Saturn …'). Puis, 'Earth, The Circle' va dérouler deux univers bien différents, avec une première partie là encore complètement instrumentale, la guitare de Mike Rogers venant déchirer les oreilles, tandis que la deuxième accueille un peu de chant, avant de laisser les instruments terminer en roue libre une coda ad libitum.
Si la qualité d'un album se jugeait à l'irrépressible envie de reprendre l'écoute à son début sitôt les dernières notes de musique évanouies, alors "Solar Fire" gagnerait sans contestation ses galons d'œuvre majeure. Cette seule impression subjective est ici confirmée par une grande qualité de composition et d'arrangement, Manfred Mann's Earth Band parvenant à transcender chaque titre, y compris ce qui ressemble à une improvisation présentée comme une plaisanterie ('Pluto the Dog'). L'esprit de la grande année progressive que fut 1974 est bel et bien présent sur "Solar Fire", véritable pierre angulaire de la discographie du groupe.