Voilà un groupe que l'on croyait perdu à jamais ! A l'image d'un Aspera, Utopia faisait figure, après la sortie d'un premier album épatant ("Ice And Knives" en 2010), de nouvelle sensation prog metal fusion à suivre de très près. Et, comme ils avaient débarqué dans le paysage musical, il en avaient brusquement disparu.
Il aura alors fallu attendre six longues années (le groupe semble les avoir passées dans une dimension parallèle) avant de pouvoir écouter un nouvel album d'Utopia. Et tout cela de se faire non sans un certain plaisir. Si 'The Trickster' lance l'album de façon un peu brusque (nous aurions aimé une petite mise en jambe ambiancée), le titre contient déjà un superbe passage instrumental entamé par un riff gras et haché et des montées assez impressionnantes de Riccadro derrière le micro. Les sons de claviers, personnels sans tomber dans le plagiat ou le kitsch, rendent les soli de Lorenzo Antonelli très crédibles et accrocheurs. La formule, évoquant Dream Theater et leurs amis, confirme que le groupe italien n'a rien perdu de son talent à composer des refrains vite mémorisables, faisant rimer technique alambiquée avec fluidité et musicalité.
Plus loin, 'Black' et ses ambiances jazz fusion à la Miles Davis version "You're Under Arrest" propose un exercice musical original et au groove malin. Si le corps reste de formule classique, le costume évoque souvent les frasques d'un Andromeda, notamment à travers les superbes soli ébouriffants de Lorenzo Venza. Si 'Fight' reste de très bonne facture et le riche en clavier 'Dust' pose un peu le tempo général de l'album, les deux derniers titres de l'album vont placer la barre très haut. Du long de ses 7 minutes, 'I Will Try' parvient à associer à des mélodies plus mainstream un caractère épique solide et suffisamment de cassures et changements de rythme (le solo de clavier jazz/fusion à la David Garfield) pour ne pas finir hors catégorie. Enfin, le bien nommé 'Mood Changes' balancera l'un des plus gros riffs de l'album sur un cri de Riccardo pour, l'instant d'après, basculer dans un jazz latino à la basse bondissante. Et là, dans des ambiances touffues, variées mais ultra-mélodiques, nous retrouverons une fois encore le Andromeda des premiers albums, la voix marquée de Riccardo n'y étant pas pour rien.
Quoi c'est déjà fini !? Et bien non, les plus malins d'entre vous auront probablement remarqué que toute une partie de l'album n'a pas vraiment été mentionnée. Et pour cause. Si 'Your Mirror' fait belle figure, propose à son tour de très légères mélodies et offre à Riccardo Fenaroli les parties vocales les plus mainstream de l'album, des titres plus bateaux comme 'I Want To Know', 'Corpus Caeleste' qui nous perd un peu en route malgré de bonnes idées (l'assemblage de nombreuses différentes sous-parties, aussi bonnes soient-elles, n'est pas toujours chose aisée) et 'I'll Be A Fool' versant dans la ballade mal embouchée viennent ternir un peu cet ensemble pourtant solide, faute d'un réel fil rouge ou d'un manque de finesse dans la production.
Au final, sans confirmer son statut de nouvelle sensation, Utopia possède avec "Mood Changes" de quoi faire largement plaisir aux amateurs du genre, même les plus exigeants. Maintenant, pour percer vraiment, le groupe gagnerait à ne pas nous faire attendre six années de plus.