Autant vous l'avouer tout de suite, bien qu'étant un inconditionnel du groupe, la dernière livraison de Lazuli – "Tant que l'Herbe est Grasse" – parue en 2014 m'avait quelque peu laissé sur ma faim. Non pas que cet album fût mauvais – il comporte encore une fois son lot de titres très forts – mais le sentiment d'une certaine répétition dans le propos musical, d'un univers sonore certes unique mais finissant par sonner un peu trop familièrement à mes oreilles s'était installé.
C'est donc avec un peu de circonspection que j'abordais l'écoute de "Nos Ames Saoules", dernière production des cinq Gardois publiée en ce début d'année 2016.
'Le Temps est à la Rage' va tout de suite confirmer que quelque chose a évolué du côté de la planète lazulienne ; pour ce magnifique titre introducteur, Dominique Léonetti évolue sans filet durant plus de trois minutes, simplement accompagné d'un piano délicat sur lequel viendront s'ajouter quelques percussions cristallines, avant que le groupe entier ne vienne accompagner son leader sur un final à l'énergie qui se déploie progressivement (le mot est lâché !), a contrario des changements d'atmosphères brutaux qui sont une des marques de fabrique du quintet. Le tout est ponctué d'un premier solo hallucinant de Gédéric Byar, habituel travailleur de l'ombre qui va être particulièrement mis à l'honneur sur ce nouvel album, allant même jusqu'à nous offrir une folle sarabande que n'aurait pas reniée un certain Joe Satriani ('Chaussures à nos Pieds').
Autre instrument mis en valeur, la batterie tenue par Vincent Barnavol est ici mixée avec un son très clair qui permet à l'auditeur de se rendre compte du travail incroyable mené par le titulaire du poste ('Le Lierre' ou encore 'Les Sutures'), la production parfaite de l'ensemble détachant d'ailleurs superbement et distinctement chaque instrument, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant.
Au niveau du contenu, nous retrouvons comme à l'accoutumée un ensemble de textes tantôt désabusés ('Vita est Circus'), tantôt engagés ('Le Mar du Passé' et son propos anti-FN), la poésie qui entoure l'ensemble collant à merveille à la tessiture toujours aussi impressionnante de Domi Léonetti. Tout aussi impressionnants sont les chorus vocaux que l'on retrouve sur 'Vita Est Circus' et sa classique construction en mesures ternaires, ainsi que sur 'Nos Ames Saoules', leur puissance collant littéralement des frissons dans le dos à chaque écoute.
Et puis, pour enrober le tout, Lazuli nous a concocté trois courtes pièces instrumentales qui viennent prolonger les titres existants, voire servir d'introduction à une nouvelle écoute de l'album ('(Un Œil jeté par la Fenêtre)'), idée originale qui participe au sentiment de plénitude qui se dégage une fois les 44 minutes de cette galette écoulées.
Lorsque l'on atteint les sommets, il est parfois difficile de s'y maintenir, du moins dans l'esprit des auditeurs, et le léger fléchissement perçu sur le précédent album semblait somme toute plutôt naturel. Retourner au plus haut exige de se réinventer, et de disposer du talent nécessaire pour le faire, ce que Lazuli a réussi avec "Nos Ames Saoules", nous démontrant une fois de plus dans quelle catégorie il convient de les ranger : la plus haute.