Forts de 3 albums impressionnants de créativité et d'une personnalité déjà bien affirmée, les Polonais de Votum s'imposent au fil des albums comme les dignes héritiers de Riverside et prouvent que la Pologne est une nation qui compte dans le domaine du rock et metal progressifs. "Ktonik", quatrième effort du quintet, voit s'opérer un changement majeur de line-up puisque le chanteur et figure emblématique du son de Votum, Maciej Kosinski, est remplacé depuis 2014 par Bartosz Sobieraj.
Si les deux chanteurs ont leurs qualités propres, il faut se rendre à l'évidence qu'elles ne sont pas du tout similaires. Alors que Kosinski opérait dans un style proche du néo-prog avec une tessiture très large lui permettant le grand écart entre puissance et émotion pure, Sobieraj est, quant à lui, dans un registre plus sombre, plus puissant mais aussi moins subtil. Du coup, la musique du groupe s'en ressent dès les premières mesures. Depuis le début de sa carrière, Votum a su habilement mêler metal progressif atmosphérique et rock prog à tendance néo tout en sensibilité, alternant ainsi les titres percutants avec des plus calmes, les deux se rejoignant pour créer ce prog auquel le groupe apporte sa personnalité bien affirmée.
'Satellite' ouvre donc l'album avec une ambiance plus sombre et atmosphérique à la Katatonia, et ce n'est d'ailleurs pas le seul point de comparaison avec les Suédois. Le titre alterne couplets doux avec un chant éthéré qui tranche avec des refrains puissants plus enlevés à la frontière de l'atmosphérique et du prog. Même constat sur 'Greed' où le contraste entre douceur et puissance est encore plus poussé. L'intro et son riff hypnotique laisse la place à une douce complainte piano-voix-effets avant un déferlement de puissance vocale et sonore. On nage en plein metal atmosphérique à tendance progressive et les amateurs de Katatonia y trouveront forcément des motifs de réjouissance tant la proximité artistique se fait sentir.
L'influence de Riverside est également présente, notamment sur certains arrangements : l'intro de 'Spiral', une basse très présente sur 'Vertical' ou 'Last Word' et la guitare aérienne de 'Prometheus', titre qui s'envole ensuite vers des sommets de puissance émotionnelle. L'ambiance générale est plus sombre que sur les albums précédents et les envolées métalliques sont moins virevoltantes, plus lancinantes sans tomber dans l'extrême, mais avec toutefois cette rage permanente qui repousse les limites de l'atmosphérique et du prog vers le côté obscur.
Votum ne propose pas de titre aux sonorités acoustiques sur ce "Ktonik", ce qui rompt avec les habitudes du combo polonais. C'est certainement dû aux prestations de Sobieraj qui s'y prêtent moins qu'auparavant. Seuls 'Blackened Tree' et 'Last Word' proposent des passages de cette veine, mais l'émotion et la sensibilité y sont moins présentes que sur les premières productions. A tel point qu'il est légitime de se demander ce que donnera ce Votum-là en concert sur les anciens titres (on en a malheureusement un aperçu avec quelques vidéos qui circulent sur la toile, avec un résultat pas toujours à la hauteur). Mais ce point ne saurait altérer les qualités du présent album qui se situent surtout dans la dimension atmosphérique et sombre d'un metal prog plus poignant mais moins sensible et certainement moins inventif, mais tout aussi efficace.
Ce Votum 2.0 semble donc plus se rapprocher d'un Katatonia, d'un O.S.I. ou d'un Anathema que de … Votum. Et c'est bien là le problème majeur de cet album. La forte personnalité et l'identité musicale des Polonais ont disparu avec le départ de Kosinski et ce qui faisait l'originalité du groupe n'est plus. "Ktonik" est néanmoins un très bon album de metal atmosphérique qui trouvera son auditoire augmenté des fans du genre et des groupes cités plus haut alors que ses influences progressives devraient lui permettre de l'élargir encore un peu plus. Par contre, les fans des albums "Metafiction" ou "Harvest Moon" risquent de ne pas en avoir pour leur argent. On ne peut pas tout avoir.