Si Chaosbay ne vous parle pas, rien de plus normal puisque que la formation n'existe que depuis trois ans et qu'elle n'a à son actif qu'un EP auto-produit en 2012 et un autre début 2015. Début décembre 2015, alors que les attentions des chroniqueurs étaient brinquebalées entre les événements tragiques de novembre et les préparatifs de Noël, les Allemands de Mannheim sortaient leur premier véritable album dans une injuste indifférence. Il aurait été dommage de ne pas revenir sur cette actualité afin qu'à l'issue de cette chronique le nom de Chaosbay vous soit enfin familier.
L'immersion dans "Vasilisa" s'opère par la médiation de la douce voix de Jan Listing posée sur une guitare acoustique qui surplombe le 'Prologue' quand celui-ci entre dans sa phase ascensionnelle et qu'il lance les 40 minutes d'évasion que procure le conceptuel "Vasilisa". Difficile de faire plus efficace que les combinaisons composées par le chanteur et guitariste Jan Listing, cerveau du groupe, qui allient dans une maîtrise impressionnante la virtuosité des séquences instrumentales du metal progressif ('Will You Marry Me') et la mélodicité des parties chantées dont le metal alternatif ou mélodique se fait le pourvoyeur coutumier ('Come Back Home').
Avec un certain génie harmonique, Chaosbay construit les assemblages des quatre premiers titres sur un même modèle et avec une totale fluidité : introduction hyper dynamique, entre le metal progressif le plus racé ('Pathetic') et le djent le plus épileptique ('Raise The Veil'), puis double couplet-refrain suivi du retour de la séquence introductive avant une clôture sous une modalité rock progressif ambiancé. 'The Curse' joue le rôle de jonction entre la première et seconde partie du disque avec sa formule popisante idéalement placée en milieu d'album. Les trois morceaux qui suivent sortent légèrement du canevas esquissé avec 'Come Back Home' qui mélange les pièces du puzzle et le très ACTien 'Creeping' qui assume toute la charge émotionnelle et épique de l'apothéose ultime, faisant penser à la manière dont Dream Theater achève certains de ses disques.
A côté de toutes ces qualités, "Vasilisa" soulève quelques réserves, en premier lieu le titre 'Hail To The King' dont le couplet reprend intégralement le refrain de 'Will You Marry Me' et la partie acoustique atmosphérique celle du 'Prologue'. Le metal progressif a toujours encouragé ce genre de reprises, Dream Theater le premier, mais dans des formes plus subtiles usant de la modulation de tonalité et toujours en référence entre albums. Ici, on a plutôt le sentiment d'un passage obligé et grossièrement accolé au morceau pour valider l'estampille "Metal Progressif". Une remarque du même acabit concerne les prurits de chants extrêmes aussi contingents que dispensables qui apparaissent dans les quatre premiers morceaux et semblent plus tenir de l'effet de mode que de la réelle opportunité vocale. Enfin, le couplet délicieusement mélodique de 'Raise The Veil' s'avère être extrêmement ressemblant au refrain de 'What Are You Waiting For' des excellents Suédois de Ritual.
Les qualités de Chaosbay sont réelles dans la composition et le savoir-faire technique des musiciens, qui va de l'exécution bien sûr à la production en passant par l'enregistrement des vidéos. Les quelques erreurs commises sont loin d'être rédhibitoires et ne doivent pas éclipser les nombreuses occasions que "Vasilisa" nous offre de jubiler avec autant de refrains entêtants dans un metal de très grande valeur mélodique. Chaosbay est une surprenante découverte et un groupe à suivre de très près, particulièrement recommandé aux amateurs de metal progressif moderne qui fait mouche instantanément.