Si sur son précédent album, Phil Collins avait fait appel à quelques pointures (David Crosby, Eric Clapton, Steve Winwood, …), c’est avec une toute autre idée en tête qu’il aborde l’enregistrement de son cinquième album. A tel point qu’il prend la précaution de prévenir l’auditeur de ses intentions dans une note introductive figurant sur la pochette.
Qu’a donc de si différent de ses prédécesseurs ce "Both Sides", pour que le maître des lieux se sente obligé d’en expliquer la genèse ? Simplement qu’il s’agit pour la première fois d’un album où Phil Collins aura tout fait seul, de la composition à l’enregistrement en passant par l’exécution de toutes les parties instrumentales, claviers, guitares, percussions et même cornemuse. Partant d’improvisations enregistrées dans son home studio, retravaillées et peaufinées, Phil Collins finit par disposer d’un matériel suffisant pour sortir un disque replet de plus d’une heure de musique.
Si l’on peut comprendre la satisfaction teintée de fierté que ressent l’artiste au résultat de son labeur, il est cependant difficile de ne pas nourrir l’arrière-pensée que c’était peut-être là beaucoup d’efforts pour un résultat mitigé. Exit les cuivres et le côté clinquant de "…But Seriously" et des albums précédents, ici le ton est plus confidentiel, plus sombre, plus doux. De doux à mou, il n’y a qu’un pas, malheureusement franchi par Phil Collins. Si ‘Both Sides Of The Story’ qui ouvre l’album, bien qu’insipide avec son horrible drum machine, un sacrilège quand on a été le batteur du plus grand groupe de prog de tous les temps, est néanmoins doté d’un semblant d’énergie, "Both Sides" prend son rythme de croisière dès ‘Can't Turn Back The Years’ pour ne pratiquement plus le quitter jusqu’à la fin du disque. Un rythme lent, linéaire, sans la moindre poussée d’adrénaline.
Alors, si l’illusion dure le temps de ‘Can't Turn Back The Years’ et ‘Everyday’, aux lignes mélodiques séduisantes, elle s’effiloche dès ‘I've Forgotten Everything’ et l’auditeur peut carrément s’assoupir sur les quatre titres qui suivent. La fin d’album, tout aussi calme, est plus relevée. ‘There's A Place For Us’ et ‘Please Come Out Tonight’ sont deux ballades dont les mélodies font mouche et la vaillante cornemuse de ‘We Wait And We Wonder’ entonne un thème folklorique enfin dynamique … mais malheureusement peu fédérateur.
C’est finalement à ‘We Fly So Close’ que revient l’honneur d’être le titre le plus intéressant de l’album, qui, par son ambiance sombre et mystérieuse, les apports de la guitare acoustique, la percussion d’abord discrète puis plus soutenue, les quelques traits menaçants de la guitare électrique, le crescendo dramatique, se rapproche de Genesis (notamment de ‘Dreaming While You Sleep’ de "We Can’t Dance"). De loin le titre le plus prenant, délaissant un moment les ballades mélancoliques sans surprise pour se rapprocher d’un morceau presque progressif.
Hormis sur ce dernier titre, Phil Collins se cantonne le plus souvent à chantonner dans une sorte de mélancolie nonchalante ne nous offrant que rarement de ces déchirements qui font monter le frisson. Bien trop linéaire et avec un gros ventre mou, "Both Sides" peine à conserver l’attention de l’auditeur qui somnole gentiment à l’écoute de ces titres mid-tempo trop uniformes.