NightShade est une formation deathcore à la croisée des continents entre France et Canada. Après dix années d'existence, trois albums et des tournées en compagnie de pointures de la scène extrême, elle livre un nouvel album "Predilections". Formé de musiciens aux horizons variés, le groupe pratique une musique sans concession mais non dénuée de musicalité et d'une certaine beauté sombre.
L'album nous dévoile des instants de grâce pure lorsqu'une voix diaphane nous charme et fait monter un frisson le long de notre échine. Cela n'empêche pas la six cordes d'asséner des uppercuts sonores, des riffs infernaux qui laissent des bleus à l'âme, et la voix grunt de cracher son venin et sa haine en un vomi verbal gluant et étouffant. Quant à la batterie, on jurerait qu'elle est jouée par un robot gavé d'acide tant elle est carrée et précise, mais bien qu'elle balance ses salves de doubles croches sans vergogne, elle propose une palette de jeu variée.
Double pédale très présente puisqu'elle ouvre le bal, associée au contraste du piano cristallin, avant qu'une douce guitare n'entre en scène. Mais si NightShade aime délivrer des instants aériens, elle est avant tout une formation qui marteau-pilonne. Ainsi les hurlements d'outre-tombe sont nombreux comme sur 'Enclave' ou les pig growls de 'Sons of Liberty'. Toutefois, à cette violence sans détour s'ajoutent des éléments plus mélodiques, des instants aériens suspendus ('My Orchid') où seule la guitare occupe les lieux et résonne dans un espace intersidéral. La surprise est donc au rendez-vous dans cette opposition entre ligne de guitare dépouillée et cris inhumains (contraste encore !). Par ailleurs, ce semblant de douceur se retrouve dans les multiples phrases de guitare qui parsèment l'opus, ainsi que dans les duos vocaux. Ce n'est donc qu'une demi-surprise quand sur 'Reminice/Solace', on savoure un joli timbre féminin qui semble bien fragile en regard des éructations masculines primales. Cette volonté de se différencier en appuyant sur les contrastes est omniprésente, son point d'orgue étant les emprunts sonores issus de la mouvance électro : 'For Those Who Fight' résonne ainsi de l'opposition presque blasphématoire entre sonorités cheap-music et vocifération inhumaines. Contraste encore, contraste toujours...
"Predilections" est une rondelle qui pue la transpiration et suinte la crasse, une galette violente et putride sur laquelle NightShade dévoile un amour des contrastes, des compositions qui tabassent, d'une certaine expérimentation et d'une bonne dose de mélodie. On est remué par ces pistes sans concession, aérées toutefois par des instants "légers" indispensables à l'équilibre de ces émanations mortifères suffocantes. Une galette multiple donc, qui même si elle ne révolutionne par le genre, en étire les limites et les maltraite. Dans une musique qui transgresse les genres, l'important en fin de compte n'est pas de savoir où se situe la limite du style, mais plutôt le coefficient d'élasticité de celui-ci.