À tort ou à raison, nous avons toujours estimé que Spiritual Beggars a été sacrifié au profit de Arch Enemy devenu à partir de "Wages Of Sin" le principal port d'attache du guitariste Mike Amott, raison pour laquelle notamment JB, son ancien chanteur a quitté le navire pour se consacrer à son Grand Magus qui le vaut bien d'ailleurs.
Si le remplacer par Apollo Papathanasio put sembler au départ un choix étonnant sinon malheureux, la performance, digne du David Coverdale de la grande époque, de l'ex Firewind (entre beaucoup d'autres) sur "Return To Zero" a immédiatement balayé nos doutes tel un fétu de paille. Depuis, la formation ne paraît pas seulement avoir déniché un line-up stable (et sans doute le plus solide qu'il ait connu) mais surtout sa place aux côtés d'un Arch Enemy qui commence à ronronner malgré une efficacité intacte.
Trois ans après un "Earth Blues" de bonne facture mais qui manquait quelque peu de variété, "Sunrise To Sundown" dévoile un groupe plus en forme que jamais. Produit comme son devancier par Staffan Karlsson, ce neuvième opus (déjà !) se veut même un modèle du genre, manière de renvoyer sur les bancs de la maternelle tous les puceaux qui s'échinent, parfois non sans talent il est vrai, à capturer cette vibe seventies aux allures de Graal fantasmé. Trônant bien au-dessus de la mêlée, Spiritual Beggars éclabousse de sa classe ces quarante-six minutes de hard rock biberonné aux généreuses mamelles des années 70 avec toujours cet équilibre parfait entre tradition et modernité, accroche acérée et puissance épique.
Comme son titre et son visuel truffé de clins d'œil aux pochettes de "Another Way To Shine" et "Mantra III" le suggèrent, "Sunrise To Sundown" possède les vertus miraculeuses d'une juste synthèse entre le passé et le présent des Suédois, quitte par moment à photocopier des mélodies et des riffs déjà entendus. Ce n'est pas grave car le plaisir est là, immense.
Selon une recette qui a fait ses preuves, l'écoute est lancée par un titre direct, mise en bouche éponyme aux morsures imparables. Après cet échauffement, l'album écarte ses lèvres avec 'Diamond Under Pressure' qui n'est pas sans évoquer le 'Might Just Take Your Life' du Pourpre Profond, donnant la parole à Per Wiberg qui sait toujours autant nous régaler avec ses claviers aux teintes hantées.
Propulsé par l'organe de feu du Grec, l'album s'impose tout simplement comme l'un des plus beaux hommages jamais entendus au Deep Purple Mark III et aux cousins Rainbow animé par le regretté Dio et le Whitesnake des débuts (le meilleur ?). Des brûlots nerveux aux traits épais ('Hard Road', 'Still Hunter') ou plus rapides ('You've Been Fouled', 'What Doesn't Kill You') cohabitent avec des monuments épiques chargés d'atmosphères ensorcelantes, parfois plus lents à l'image de 'I Turn To Stone' et ses arabesques orientalisantes et son éruption de six-cordes qui le transperce en un final des plus jouissifs, ou du bluesy 'No Man's Land', mais toujours ruisselant de feeling, témoin ce 'Lonely Freedom' qui voit Mike Amott atteindre le point G lors d'un solo divin comme il en a le secret.
Il n'y a absolument rien à jeter de cette galette aussi riche que généreuse : onze titres, onze hymnes. Et en définitive, on en viendrait presque à remercier les Suédois d'avoir relégué Spiritual Beggars au rang de side project de luxe, ce qui lui permet de conserver une fraîcheur, une envie, qui paraît loin de vouloir de se faner...