Même si l'évènement était plus ou moins attendu depuis la fin de la tournée de promotion de "We Can't Dance" (1991), la nouvelle du départ de Phil Collins de Genesis a agité le milieu musical. Il lui devenait difficile de mener deux projets majeurs de front, et le fait qu'il ait choisi sa carrière solo n'a pas étonné grand monde. C'est donc entièrement disponible pour cette dernière qu'il revient avec un nouvel opus intitulé "Dance Into The Light" à la pochette colorée et joyeuse. Les ventes de "Both Sides" (1993) s'étant révélées décevantes, marquant un net recul par rapport aux précédents albums, le Britannique se voit dans la quasi-obligation de redresser la barre. Pour cela, il s'entoure à nouveau de musiciens après avoir tenu tous les instruments sur son précédent disque.
Mais l'évolution la plus notable est artistique avec une ouverture prégnante vers des sonorités afro-caribéennes qui ne sont pas sans rappeler certains artistes tels que Paul Simon ou ... Peter Gabriel. Le titre éponyme lance d'ailleurs l'ensemble sur des bases accrocheuses avec son tempo martelé sur la caisse claire et sa section cuivre. Le résultat est plutôt encourageant grâce à un refrain direct et obsédant, et une ambiance générale ensoleillée. L'expérience sera renouvelée à plusieurs reprises avec plus ou moins de réussite. Témoignage du drame vécu par un enfant victime d'une maladie génétique, 'Lorenzo' a été coécrit avec la mère de ce dernier. Penchant vers des influences plutôt africaines et avec un break puissant de percussions, il se fait à la fois énergique et efficace. Par contre, bien que joyeux et chaud, 'Wear My Hat' se rapproche trop du 'I Know What I Know' de Paul Simon, au point de faire passer au second plan ses qualités. Enfin, si 'Take Me Down' profite d'un orgue aux accents gospel, 'River So Wide' ne possède pas assez d'accroche pour dépasser le stade du convenable.
Le reste des titres de cet album est également très inégal, alternant le dispensable, les retours en arrière et les franches réussites. Dans cette dernière catégorie, il serait dommage de passer à côté d'un 'Oughta Know By Now' à la froideur nocturne cinglée par les éclairs de beaux soli de guitare. Un peu plus jazzy mais œuvrant dans une ambiance équivalente, 'Just Another Story' tire également son épingle du jeu avec son joli solo de piano. Enfin, 'No Matter Who' aurait pu figurer sur "...But Seriously" (1989). Le reste est vite oublié sans réellement être désagréable. Souvent trop lisse ('Love Police') voire trop répétitif ('That's What You Said'), ces pièces ne décollent pas vraiment d'une pop gentillette ('The Same Moon'), même si certaines influences beatlesiennes peuvent faire dresser l'oreille ('It's In Your Eyes'). La cover de Bob Dylan, 'The Times They Are A-Changin' ', vient clôturer l'ensemble sur une interprétation personnalisée ne dénaturant pas l'original. Cette dernière note est positive mais ne suffit cependant pas à rendre cet opus indispensable.
Bien que libéré de ses obligations au sein de Genesis, le Britannique ne retrouve pas pour autant toute son inspiration. Bien sûr, son talent lui permet d'éviter l'écueil d'un mauvais album, mais même ses ouvertures vers des ambiances afro-antillaises ne sont pas suffisantes pour permettre à ce "Dance Into The Light" de se hisser au niveau de ses meilleurs albums. L'essoufflement artistique semble désormais guetter Phil Collins qui va devoir trouver un moyen de remonter la pente avant que la chute ne devienne trop rude.