Il y a 20 ans sortait "Book Of Shadows", ronronnement folk d’un redneck nommé Zakk Wylde, qui deviendra rapidement un album culte. Nombreux, dont votre serviteur, attendaient une suite à ce recueil de chansons délicates et élégantes mais les préoccupations du bucheron de Bayonne (New Jersey !) semblaient définitivement centrées sur son groupe Black Label Society. Ce fut une demi-surprise d’apprendre qu’un second chapitre à ce livre des ombres était en gestation car la convergence de deux événements, la date anniversaire du premier volet approchant et la sortie d’un live de 2013 en partie acoustique, "Unblackened", dans lequel quatre titres de "Book Of Shadows" avaient été joués, nous avait mis la puce à l'oreille.
Avec ce titre d’album, nulle tromperie sur la marchandise, "Book Of Shadows II" cultive bien la filiation folk et intimiste de son glorieux ainé. On y retrouve une répartition de tonalités et d'ambiances proches de celle son grand frère, plutôt mélancoliques ('Tears of December', 'Forgotten Memory', 'The Levee', 'Yesterday's Tears') ou (presque) enjouées ('Lay Me Down', 'Eyes of Burden', 'Sleeping Dogs', 'Lost Prayer'). Pourtant, les contrastes sont moins marqués, les développements plus linéaires et les titres imposent moins de reliefs comme pouvaient le faire ceux de "Book Of Shadows". S'il est difficile d'extraire un titre plus qu'un autre, émergent particulièrement l'envoûtant 'Autumn Changes', 'Sorrowed Regrets' avec ses belles harmonies et son refrain entêtant, 'The King' pour sa gravité, sa solennité et son solo d'une pureté rarement entendue chez Zakk, ou la bluesy 'Lost Prayer'.
Pour ceux qui ont été bercés par le premier volet, un constat s'impose néanmoins : la magie est moins opérante. Les quelques éléments de réponses sont à chercher du côté de la qualité des finitions et la variété des compositions. Une grande partie des morceaux est construite de la même manière, avec un son clair de guitare assez uniforme, un enrobage d'orgue Hammond et un travail rythmique souvent monotone. On ne retrouve pas la finesse des arrangements de "Book Of Shadows", puisque piano et violon ont quasiment disparus, ni la diversité du jeu à la guitare de Zakk Wylde, qui pouvait alterner équitablement balayage d'accord et arpèges. Même au niveau du chant, la richesse et la subtilité du timbre qui procurait de véritables frissons s'est émoussée. Il faut dire qu'en vingt ans et neuf albums de Black Label Society, sa voix a progressivement tiré sur le nasillard, comme de celle de son mentor Ozzy, et que les centaines de mètres cubes de bière absorbés ont fortement érodé les cordes vocales de Zakk.
Si le plaisir de pouvoir écouter un album tant attendu est bien présent, la satisfaction n'est pas totale car l'ombre de l'original plane sur ce disque et relativise les qualités que l'on pourrait lui reconnaître. Le pari était osé de donner une suite à un album qui a imprimé profondément les mémoires. Sur ce point, on ne peut que saluer l'initiative de Zakk Wylde qui nous offre une collection de titres agréables à écouter.