Le fan d'extrême lambda reconnaît en Entombed le père fondateur du death de la scène de Goëtborg qui a créé une variation poisseuse, malsaine et crasseuse des sonorités morbides issues de Tampa. Vous, fans de riffs ultimes et d'ambiances éprouvantes, avez certainement en mémoire le final de 'Left Hand Path', les vociférations inhumaines du sieur Petrov, la noirceur cadavérique du "Wolverine Blues", rock à la trajectoire parallèle au "Soul Survivor" de Gorefest. Avec Entombed A.D., le chanteur dissident a créé un jumeau maléfique de son groupe originel, une formation qui suit le chemin initié par "Wolverine Blues" : un death-rock carré exempt de toute cavalcade thrash et de tout blast sismique.
La galette débute par un 'Midas in Reverse' aux riffs percutants. Le groupe affirme sa volonté d'en découdre rapidement et d'imprimer irrémédiablement sa forte identité. 'Dead Dawn' ralentit le tempo, balançant un riff plombé et ultra carré, et 'Down To Mars To Ride' éveille les sens, dévoilant de jolis accords rafraîchissants puis un rythme direct sur lequel la filiation avec Gorefest est évidente. La piste démontre aussi que l'on peut facilement faire cohabiter hargne et mélodie... L'orientation chantante et mélodique se transforme, se mue peu à peu en ambiances plus glauques et sombres avec 'As The World Fell' ou 'Hubris Fall' qui entament une plongée abyssale dans une sorte de doom où le tempo est très ralenti, et où les vocalises se font plus hargneuses et plus rauques. Enfin la touche finale, 'Not What it Seems', sort du lot par ses oscillations entre métriques ternaires ou binaires, le groupe semblant vouloir s'échapper de l'étiquette historique qui lui colle à la peau.
Ce voyage musical fait de death-rock à la couleur doom s'approche de certaines productions de Paradise Lost : mélange outrageux, voire blasphématoire pour les adorateurs de la première heure. Les guitares entonnent des riffs graisseux, usent de wah-wah en solo, érigent des métriques qui suscitent des pogos infernaux, bref, tissent une toile rythmique impeccable. Lars-Göran Petrov vient nous hurler des vocaux crasseux baignés de bile nauséabonde. La voix est profonde, si bien que l'on pense encore à Jan-Chris de Koeijer, par cette hésitation entre grunt caverneux et chant rocailleux de vieux bluesman nourri au mauvais whisky... Toutefois, l'épaisseur est sans cesse accompagnée d'un penchant mélodique, étrange et torturé, rappelant, lorsque le groupe s'immerge dans un doom terreux et que le tempo se fait plus pesant, d'autres décavés emmenés par Lee Dorian.
"Dead Dawn" est un disque varié, hargneux et puissant emmené par un maître du genre. Alors même si on ne retrouve pas la crasse et la malignité des débuts, on reste transcendé par une telle maîtrise musicale. Peut-être certains crieront-ils au scandale, attendant un "Left Hand Path 2", alors que d'autres apprécieront simplement une musique aussi évolutive que droite dans ses bottes. Néanmoins, pour les qualités musicales omniprésentes, l'efficacité redoutable et la mise en place impeccable de Entombed A.D, "Dead Dawn" mérite d'être écouté avec intérêt et respect.