Au royaume du sacro-saint Riff, Abysse siège sur le trône ! C'est déjà l'impression qui s'était dégagée de "En(d)grave", premier album du quatuor français en 2012. Originaires de Cholet, les quatre musiciens reviennent avec leur second méfait en ce début 2016 après quatre années d'un travail acharné, une production très attendue par les fans de heavy et post-metal instrumental.
Dès les premières mesures de 'Persuasion', Abysse rappelle à tous à quel point leur musique est instantanée et immergeante. Le son est rond et puissant, le riff d'une lourdeur doomesque et les arrangements post-rock glaçants de profondeur. Le développement progressif des ambiances très travaillées berce nos oreilles entre les guitares frénétiques et la batterie martelée de Sébastien, le tout ponctué de breaks qui tiennent en haleine jusqu'au coup de boutoir suivant. Et c'est déjà la première claque !
Mais pas le temps de se relever puisqu'une basse toolienne et un riff sombre nous cueillent et, avant de pouvoir nous redresser, la rythmique de 'Architecture Of Bonnes' nous étale pour de bon, nous laissant seulement dodeliner du chef au rythme effréné d'un riff saccadé. La musique de Abysse prend aux tripes avec ses riffs enchaînés ou entrecoupés de montées de guitares dans une pure veine post-rock. Le travail de la rythmique est colossal et la frappe pure et organique de Sébastien renforce la charge émotionnelle omniprésente.
'I Will Rise' et 'I Am Ready To Be Her Son' installent l'album dans un death instrumental plus percutant et tout aussi sombre mais les Français excellent également dans les ambiances bigarrées, où le heavy le dispute à l'émotion. Ainsi, la douce intro de 'Blood To You All' dépeint un tableau mélancolique où les deux guitares s'entremêlent avec beauté avant que la longue montée en puissance n'installe le riff d'une lourdeur entêtante qui met à mal la résistance des cervicales les plus entraînées. Les ruptures rythmiques et les reprises toujours plus puissantes sont la marque de fabrique du groupe, et les envolées et soli de Geoffrey et Vincent portent le titre au sommet de l'album. La cohésion entre les quatre musiciens rejaillit sur leur musique. Ensemble, ils égrainent les compositions sans qu'aucun d'entre eux ne tire la couverture à lui et l'impression d'osmose est présente jusqu'à la dernière note.
Pour reprendre un peu son souffle il faut attendre l'intro de 'Reality & Secret' sur laquelle la mélancolie l'emporte (à peine) sur la furie de décibels puisqu'un nouveau riff ravageur voit le titre s'envoler une fois de plus vers des sommets de heavy metal hypnotique avant de s'achever dans la douceur d'un solo aérien. Ce closer montre encore l'étendue du talent des Choletais et l'étonnant flot d'émotions que leur musique percutante peut générer. Le final de l'album intervient sur un titre caché à la toute fin, sous la forme d'une magnifique apothéose atmosphérique, duo de piano et de guitare aérienne.
Abysse est un groupe, un vrai, qui gagne encore en maîtrise et affirme un style authentique déjà reconnaissable. A l'instar des Allemands de Long Distance Calling (période instrumentale des débuts) ou des Suisses de Monkey3, Abysse s'impose en fer de lance d'un post-rock instrumental moderne et heavy où la qualité d'écriture transpire de chaque mesure. "I Am The Wolf" est une totale réussite foisonnant d'idées rythmiques et mélodiques intelligemment intégrées qui se dévoilent au fil des écoutes. Il trouvera naturellement son public auprès des amateurs de metal au sens le plus large et, souhaitons-le, bien au-delà de nos frontières. Abysse confirme son formidable potentiel émotionnel et leur nouvel album pourrait bien s'avérer comme une des productions majeures de 2016. À ne manquer sous aucun prétexte.