Gravé en septembre 1994 et publié l'année suivante chez Osmose Productions, "Battles In The North" est-il le meilleur album des Norvégiens d'Immortal ? Certains acquiesceront volontiers quand d'autres lui préféreront "Pure Holocaust" ou bien "At The Heart Of Winter", dans un style bien différent. Ce troisième méfait demeure en tout cas le plus célèbre d'Immortal et l'un des plus vendus de l'histoire du black metal tout court. En cela, il est de ces incontournables, de ces indispensables qui ont contribué à façonner le genre au même titre que "Filosofem" (Burzum) ou "De Mysteriis Dom Sathanas" (Mayhem) pour ne citer que deux autres opus tutélaires.
Etonnamment, "Battles In The North" n'est toutefois pas sans défauts. Outre son mixage perfectible, celui-ci souffre surtout de parties de batterie dignes d'une (mauvaise) boîte à rythme dont on sait qu'elles sont en fait l'œuvre d'Abbath lui-même. Si, une fois le monstrueux Horgh installé derrière les fûts, à partir de "Blizzard Beasts", le groupe corrigera enfin ce qui depuis ses débuts était sa principale faiblesse, devenant alors la véritable machine de guerre qu'il a toujours aspiré à être, il est pourtant évident que ces écueils paraissent bien relatifs au regard d'une bestialité que rien ne vient jamais freiner.
Mieux, le son des Norvégiens s'accommode parfaitement de ces quelques approximations, allant même jusqu'à s'en nourrir pour alimenter son essence diabolique. Alors que son prédécesseur avait déjà franchi une étape supplémentaire en terme de brutalité par rapport à "Diabolical Fullmoon Mysticism", "Battles In The North" va encore plus loin, concentré d'une violence qui semble venir du fond des âges.
Trente-cinq minutes et dix-huit secondes durant, le duo martèle avec une glaciale vélocité un black metal d'une intensité haineuse qui ne s'encombre d'aucun artifice ni du moindre petit kyste mélodique, tertre nocturne habité d'une âme hivernale. Arpèges acoustiques et mid-tempos ont été balayés au profit d'une férocité ininterrompue et inégalée, du titre éponyme jusqu'au terminal et fameux 'Blashyrkh (Mighty Ravendark)'. Même "Blizzard Beasts", en dépit de ses influences death metal, ne déploiera pas une telle sauvagerie.
L'univers d'une froide et crépusculaire mythologie de Demonaz trouve dans ce terreau agressif un écrin furieux pour s'exprimer et prendre son envol, à l'image de ce funeste corbeau devenu le symbole d'un groupe dont la dimension presque parodique par moment, à l'image de ses visuels (pochettes et clips), cohabite avec une redoutable puissance d'évocation.
Immortal fera-t-il mieux par la suite que "Battles In The North" qui résume à lui seul son identité ? Après un quatrième album mal aimé, s'ouvrira une seconde ère pour le groupe, plus accessible quoique toujours aussi froide, laquelle coïncidera avec son explosion commerciale ...