Qui ne connaît pas Joe Bonamassa aujourd'hui ? Même quelqu'un qui
n'écoute jamais de blues, en France de surcroît, doit déjà avoir
entendu parlé du Monsieur. C'est que depuis quelques années, Joe
est partout : en solo, en live, en hommage à, avec Beth Hart,
et il suffit d'une simple visite sur sa page web pour avoir
l'impression de tomber sur un site de vente en ligne : médiator,
guitares, t-shirt, goodies, albums, blu ray, figurines, liens
twitter… c'est tout juste s'il reste de la place pour une photo du
gars sur la page principale. Vous aurez tous compris où nous voulions en venir, Bonamassa est un nom
qui apporte des sous, tout plein, et son équipe de distribution l'a
bien compris. L'homme quant à lui, plutôt discret, semble bien loin
de toute cette agitation. Espérons seulement que le rythme de ses
nombreuses sorties ne soient pas en train de le cramer à petit
feu...
Toujours est-il qu'avec "Blues Of Desperation", Joe
affirme revenir au blues des origines dans un album plus direct et
épuré que ses dernières productions riches en cuivres, arrangements
et autres orchestres folk. La pochette déjà semble y revenir et nous renvoie
directement aux souvenirs du fermier John Henry. Ici pas d'ampli
Marshall ni de Les Paul, Bonamassa revient à la
Fender et à une amplification plus basique, et cherche à bousculer
ses habitudes.
Et par nous ne savons quel miracle (une sacrée intelligence sans doute), le bluesman que nous attendions au tournant ne négocie pas trop mal son virage et nous balance même une belle droite sur les premiers titres. Le dynamique 'This Train' va ouvrir l'album avec une grande dose de fraîcheur, celle dont nous avions besoin pour renouveler notre adhésion à l'artiste. Kevin Shirley apporte lui aussi sa touche personnelle en engageant
deux batteurs sur plusieurs titres ce qui va conférer à l'ensemble un son unique à la stéréo intéressante. Ecoutez 'Mountain Climbing' ou 'Distant Lonesome Train' à la basse énorme et à l'aplomb impressionnant. On sent dans ces titres secs et percutants comme dans de nombreux autres une certaine urgence qui contribue elle aussi à bousculer les tendances west coast des derniers albums. Le riff délicieux (proche du gimmick) du fleuve 'No Good Place For The Lonely', le couplet moderne de 'Blues Of Desperation' au refrain proche d'un Black Country Communion, le boogie rock de 'You Left Nothin' But The Bill And The Blues' que n'auraient pas reniés les Blues Brothers ou encore un 'How Deep This River Runs' - dont certaines ambiances rappellent que Shirley travaille aussi avec Maiden depuis bien des années - sont imprenables et font rudement plaisir à entendre.
Les soli, comme d'habitude, en mode jam ou prompts et structurés, sont tous et sans aucune exception les grands moments de chaque titre et dans lesquels le guitariste semble désormais imprenable. Au hasard, citons celui furieux de 'Distant Lomesone Train' ou celui acoustique d'un 'Linvin' Easy', un cran en-dessous. Et quand notre chanteur lève le pied comme sur 'Drive', sa voix, rugueuse, et la trame musicale groovy mais épurée nous conduit vers des horizons plus sombres et dans lesquels nous n'avions pas vu le New-Yorkais depuis 2009.
Si l'album contient dans sa seconde partie des chansons moins performantes et opère sur les derniers titres un trop flagrant retour aux ambiances feutrées ou exotiques souvent entendues ces dernières années (pour ménager la chèvre et le chou sans doute, mais quel dommage après une telle prise de risque en début d'album), le pari est cependant réussi. Mais attention, à trop vouloir calculer et bien faire, on finit par perdre l'attention du public.