Après avoir arrangé à sa sauce guerrière le tube d'Opus 'Life Is Life', Laibach s'est décidé, non pas de reprendre une nouvelle chanson, mais tout un album ! Victime désignée de sa fantaisie : "Let It Be", ultime album des Beatles. Seuls 'Let It Be' et 'Maggie Mae' ont été écartés de cette nouvelle mouture, le dernier étant remplacé par un truculent chant allemand.
Amateurs des Fab Four, ce disque n'est pas pour vous. Laibach soigne ses reprises à tel point qu'on ne reconnaît guère les originaux. Certaines ressemblent au mariage forcé entre une fleur et une baïonnette à l'image d'un 'Get Back', qui reste néanmoins proche de l'original malgré l'utilisation de son clavier. Le metal industriel est à nouveau très présent sur 'Dig It', qui associe l'espace d'un instant une clarinette à des rythmiques électroniques ou 'I'Ve Got A Feeling' qui se transforme en tribune politique. 'One After 909' se révèle le morceau le plus réussi, en proposant une bonne équation entre la lourdeur du chant et une mélodie hard doublée d'un solo de guitare qui emprunte le riff célèbre de 'Smoke On The Water' de Deep Purple.
''Let It Be'' n'est pourtant pas un hymne guerrier. Certaines chansons dissimulent un peu de douceur derrière une façade de béton : 'I Me Mine' avec ses chœurs quasi liturgiques et son riff électro, la version écourtée de 'The Long And Winding Road' mais surtout 'For You Blue', qui mêle une rythmique militaire à une mélodie atmosphérique déclinée selon deux versions. Curieuse reprise que celle de 'Across The Universe' : toujours imprévisible, le groupe slovène nous offre un joyau très éloigné de son esthétique. Porté par le chant féminin aérien démultiplié d'Anja Rupel (ex Videosex) proche de The Mortal Coil ou Cocteau Twins, le morceau évolue dans des sphères classicisantes renforcées par son clavecin.
Laibach réinvente ''Let It Be'' à sa sauce. Le résultat est loin de n'être qu'un exercice de style et prouve que le groupe a une identité propre, n'en déplaise à ses détracteurs qui tombent dans les pièges de la provocation (l'humour de la dernière piste est une preuve suffisante que le groupe n'est pas l'apôtre de tous les extrémismes).