Arrimé à ses débuts il y a dix ans à une scène post-rock instrumentale alors en pleine effervescence, Long Distance Calling n'a eu de cesse depuis lors de s'affranchir de cette étiquette, notamment en incorporant toujours un peu plus de chant à son art tout à la fois aérien et pesant, kystes parfois assurés par des invités de luxe, tels que Peter Dolving (The Haunted) sur l'originel "Satellite Bay", Jonas Renske (Katatonia) sur "Avoid The Light" ou bien Vinnie Cavanagh (Anathema) sur "The Flood Inside".
Sans surprise, "Trips", seulement pour moitié instrumental, semble marquer l'aboutissement de cette évolution, de ce glissement vers une musique plus directe, plus pop peut-être (dans le sens noble du terme s'entend) quoique toujours aussi puissamment belle. L'œuvre n'en reste pas moins déroutante, moins au final pour cette mainmise vocale (sur laquelle nous reviendrons) que sur une écriture qui surprend tout d'abord pas son manque de cohérence.
Ainsi, le menu ne cesse de nous balader quitte à nous égarer, démarrant sur une plage electro aux relents de synthwave néanmoins addictive, que hantent des voix trafiquées ('Getaway'), puis alternant morceaux chantés et pulsations purement post-rock pour s'achever en apothéose avec une envolée longue de plus de douze minutes stratosphériques. Ajoutons à cela des compos qui ont parfois des allures de brouillon, d'ébauche ('Presence') quand elles ne paraissent pas avoir été tronquées, leur empêchant d'accéder à la démesure rêvée, à l'image du cependant grandiose 'Trauma' au final avorté, et vous obtenez une création difficile à cerner dans son ensemble émietté.
Du coup, "Trips" donne presque l'impression d'abriter aux moins deux albums en un seul. Son versant instrumental a en premier lieu notre préférence car nous y (re)trouvons ce qui nous a fait aimer les Allemands. 'Momentum', échappée versatile aussi pulsative qu'hypnotique, le déjà nommé 'Trauma' dont les guitares prisonnières d'une gangue de désespoir explosent en un geyser de beauté, sans oublier cette conclusion monumentale, vallonnée et cataclysmique, font plus qu'épancher notre soif de post rock évolutif.
Pourtant, peu à peu, par petites touches pointillistes, l'autre moitié se faufile dans notre mémoire pour y laisser des stigmates que nous n'aurions pas cru aussi profonds. Propulsés par l'organe du nouveau venu Petter Carlsen, au timbre parfois pas si éloigné que cela d'un Steven Wilson, confirmant par là-même une proximité de plus en plus évidente avec ce rock atmosphérique à l'anglaise, 'Reconnect', nimbé de ces teintes électroniques qui font depuis toujours partie du son du groupe, 'Rewind', respiration déchirante qui prend aux tripes, 'Lines' aux lignes entêtantes et 'Plans' qui, en un grand-huit émotionnel, décolle très haut lors d'une seconde partie orgasmique, sont des morceaux non moins riches, où infusent des émotions à fleur de peau.
Surprenant sinon décevant lors de sa défloration, "Trips" finit par emporter l'adhésion, pierre supplémentaire d'un édifice qui prend forme peu à peu, entre post rock, electro et musique atmosphérique.