A l'issue du novateur "Engines Of Creation", Joe Satriani entame une tournée américaine en 2001 dont une date à San Francisco, ville chère à l'Américain, prestation qui sera captée pour la sortie de l'incontournable premier DVD de Satch "Live In San Francisco" en 2002. Cette même année sort "Strange Beautiful Music" (du nom de la maison d'édition qu'il a créée et dont le titre a été puisé dans les paroles de 'Third Stone Of The Sun' de Jimi Hendrix) avec Jeff Campitelli à la batterie, Matt Bissonette et Eric Caudieux aux claviers et à la production. Ce neuvième album signe le retour à une composition plus traditionnelle mais l'expérience électronique des dernières années a laissé son empreinte dans la manière d'aborder sa musique.
Ce n'est pas au niveau de la technologie mais bien plutôt dans une prise en compte plus aiguë du rendu global de ses compositions que s'opère cet héritage. Inspiré par le travail de design sonore effectué par Eric Caudieux, Joe Satriani va franchement densifier ses arrangements et agrémenter son environnement harmonique. C'est principalement les instruments à cordes qui enrichissent les créations de "Strange Beautiful Music" avec la fameuse guitare électrique du maître passée par les filtres de plusieurs pédaliers (wah-wah, delay et flanger), et qui gagne pour la première fois une corde en plus sur les puissants 'Mind Storm' et 'Seven String', jouant aussi parfaitement son rôle d'accompagnement en version acoustique sur 'Starry Night', 'What Breaks A Heart' et 'You Saved My Life'. Les cordes se déclinent aussi sous forme de harpe, Madame Vai venant poser quelques subtiles notes sur 'Chords Of Life', de sitar ('Belly Dancer') et de banjo ('Starry Night').
L'attention portée à tous les stades de la réalisation de "Strange Beautiful Music" permet de faciliter la cohérence de cet album de quatorze titres et long d'une heure, qui balaie une multitude de styles. La production restitue la nature organique des instruments acoustiques, dont la percussion dense et brute d'une batterie libérée et la rotondité de la basse, en parfait équilibre avec les trames et textures digitales. Les compositions abordent les harmonies orientales avec les lumineux 'Oriental Melody' et 'Belly Dancer', la langueur hawaïenne sur la reprise de Santo et Johnny Farina 'Sleep Walk' avec Robert Fripp en invité, le jazz vintage qui groove dans 'Hill Groove' et les ambiances modernes et sombres de 'Mind Storm' et 'Seven String' dans une grande variété de formats rythmiques et temporels. Les modulations classiques de Satch ne sont pas oubliées, sous forme de superbes progressions d'accords dans l'épique 'The Journey', l'expérimental aux guitares entremêlées 'What Breaks A Heart' ou le mid-tempo solaire de 'Starry Night' et syncopé de 'New Last Jam'.
"Strange Beautiful Music" est un bon album de Satch mais son manque de morceaux incontournables (pour preuve, aucun des titres ne figure dans les quatre albums live de Joe) et son hétérogénéité ne le dotent ni du charme ni du supplément d'âme qui en feraient un incontournable. Il demeure néanmoins une collection de titres agréables à écouter.