Même si des tensions commençaient à naître au sein du groupe, il était difficile d'imaginer à l'époque de sa sortie que "Ghost In The Machine" serait l'avant-dernier album de The Police. Comment ses membres allaient-ils aborder la suite de "Zenyatta Mondatta", à un moment où la mode musicale bouge énormément ? L'ambiance de la pochette, trois mystérieux chiffres rouges sur fond noir, laissait penser à un album plus froid que d'habitude de la part de Sting et ses compères.
Et effectivement, la première écoute de "Ghost In The Machine" a sûrement dû être un petit choc pour beaucoup de fans de la première heure. Ici, le groupe prend clairement un tournant plus pop, que ce soit dans les rythmes s'éloignant du rock à tendances reggae qui était à l'honneur sur les trois précédentes réalisations du trio, mais surtout avec ces synthés particulièrement mis en avant. La production, moins chaude qu'à l'accoutumée mais qui fourmille de petits détails n'a pas pris une ride en 35 ans (eh oui, déjà !).
Qu'importe le "nouveau" style pratiqué par la bande, difficile de ne pas tomber sous le charme du trio d'ouverture. 'Spirits In The Materiel World' ne laisse pas complètement tomber les premiers adeptes et constitue une tranquille transition vers le nouvel univers du groupe ('One World (Not Three)' pourra lui aussi rappeler les précédentes productions). C'est 'Every Little Thing She Does Is Magic' qui affiche la couleur de façon plus claire : ses claviers sautillants et son refrain qui touche la perfection en font un véritable tube pop/rock, assez proche dans le ton d'un Phil Collins en grande forme.
The Police varie les plaisirs tout au long de l'album : on trouve des morceaux plus sombres ('Invisible Sun'), un saxophone très présent mais jamais de trop ('Demolition Man', 'Too Much Information',...), et de manière globale de multiples arrangements qui rendent ce "Ghost In The Machine" plus sophistiqué, mais pas pour autant surfait. La formation ne revient à une formule basse, guitare, batterie qu'à de rares moments, comme sur l'excellent 'Omega Man'.
Mais alors, pourquoi cet album n'est-il que trop peu cité par les admirateurs au moment de désigner leur disque préféré ? Outre le changement musical ("Synchronicity" poursuivra lui aussi dans cette voie), il est vrai que "Ghost In The Machine" possède quelques titres moins intéressants. 'Too Much Information' et 'Rehumanize Yourself' par exemple, malgré leurs rythmiques soutenues, peinent à convaincre car trop répétitifs. Difficile de ne pas citer aussi la bizarrerie qu'est 'Hungry For You (J'aurai Toujours Faim De Toi)'. L'utilisation quasi-exclusive de la langue de Molière pour ce morceau, bien qu'étant louable, est dans l'ensemble ratée, la faute à un accent très mal maîtrisé de Sting. Dommage, car la mélodie dansante sur fond de saxophone est quant à elle une réussite.
Néanmoins "Ghost In The Machine" reste un très bel album, qui dégage une certaine mélancolie même dans ses moments les plus joyeux. 'Secret Journey' et 'Darkness', les deux titres qui concluent l'opus, viendront rappeler à ceux qui en doutaient que The Police fait partie des grands. Pas forcément le disque parfait, il reste largement recommandable pour tous les amateurs du groupe, mais aussi ceux de musique en général.