Trio américain auteur d’un premier album baptisé "A is for Ampledeed" en 2013, Ampledeed est assurément une formation originale. Dans sa composition tout d’abord, constituée d’un guitariste et de deux claviéristes qui se partagent le chant. Si Max Taylor s’adonnait initialement aux percussions et à la batterie, il délègue ces fonctions à un musicien de studio, Isaac Watts, pour se consacrer exclusivement aux claviers. Le groupe ne possède pas non plus de bassiste attitré, ce rôle étant dévolu tantôt au brave Isaac, tantôt à un autre invité, Aaron Munoz.
Autre particularité non négligeable, la plupart des compositions sont l’œuvre de Goldich et Taylor, tantôt à quatre mains, tantôt chacun de son côté. Si Goldich est plutôt attiré par les mélodies amples et généreuses, Taylor avoue un penchant pour les airs plus jazzy ou teintés de math rock. Loin de s’opposer, ces deux tendances se combinent astucieusement, alternant passages harmonieux ou plus chaotiques sans que l’une ne l’emporte jamais sur l’autre. Certes, il serait audacieux de prétendre que la musique de "BYOB" suit un long fleuve tranquille, mais il n’est pas non plus nécessaire d’être un adepte de l’onanisme cérébral pour comprendre et apprécier cet album.
Le disque enchaine des titres qui flirtent tous avec l’art rock, le jazz rock et le Canterbury, dans une grande tradition progressive issue des années 70 et fort heureusement perpétuée par des groupes comme Ampledeed. Les références à cette époque sont nombreuses, allant de King Crimson pour les passages les plus anguleux et dissonants à Genesis pour certains traits de claviers (un grand écart parfaitement résumé par ‘Triple Cancer Moon’), en passant par Caravan pour le chant velouté et mélancolique évoquant le duo Richard Sinclair/Pye Hastings (‘You're A Libra... And She's A Bitch’) ou Hatfield And The North pour la richesse des mélodies et ces instruments débridés mais maîtrisés qui composent un maelström sonore (‘Garden Gnomes’, ‘Monolithium’). Autre référence plus récente, ce mélange de fantaisie aimable et de complexité mélodique n'est pas sans rappeler The Flower Kings.
Certes, ‘Triple Cancer Moon’, avec ses incessants changements de thème et de rythme, ses dissonances, ses répétitions, n’est peut-être pas le morceau idéal pour ouvrir cet album, risquant de faire fuir les plus frileux. Certes, la parenthèse quasi metal ‘I Will Not Wait’, avec son chant féminin rappelant Amy Lee (Evanescence), ne se justifie peut-être pas. Certes, l’instrumental ‘The Greatest Gatsby’ lorgne du côté de ces délires jazz rock dont les Grands Anciens avaient l’habitude mais finit par ressembler à une musique de danse par manque de charisme. Mais ce ne sont là que défauts mineurs, largement compensés par la diversité des compositions et la richesse résidant dans l’alternance de passages complexes et de mélodies seyantes.
"BYOB" est un album de prog à l’ancienne qui, s’il s’abreuve largement à la source du Canterbury, sait aussi faire un détour vers des mélodies plus contemporaines parfois teintées de pop. Jamais ennuyeux ni rébarbatif, sa complexité lui conserve la même fraîcheur à chaque écoute renouvelée.