S'il y a un reproche qu'il n'est pas possible de faire à Gary Moore, c'est de s'endormir sur ses lauriers. Alors que sa reconversion au blues semblait le mettre à l'abri de tout risque commercial, l'Irlandais a surpris son monde avec un "Dark Days In Paradise" (1997) partant un peu dans tous les sens et prouvant les goûts du génial guitariste pour les expérimentations. Pourtant, le natif de Belfast n'est apparemment pas encore allé jusqu'au bout de sa démarche. Malgré l'échec commercial de son prédécesseur, "A Different Beat" voit Gary Moore plonger dans un univers électro qui va finir de désorienter les amateurs.
Bien que touchant à nouveau à de nombreux univers, ce nouvel opus a au moins le mérite de suivre une ligne directrice cohérente, à savoir une ambiance électronique prégnante au point d'en devenir parfois écœurante. C'est particulièrement le cas sur une fin d'album où l'envie de presser la touche stop vient régulièrement titiller les doigts en charge des commandes du lecteur CD. 'Can't Help Myself' tourne en rond et se révèle pénible, même si ce n'est rien par rapport à sa version remixée sur plus de douze minutes offerte en bonus. Quant à 'Fat Boy', hommage non déguisé à Fat Boy Slim, l'absence de chant et de guitare en fait un titre digne d'une rave-party mais sans intérêt pour les amateurs de musique amplifiée. Et ce n'est pas un 'We Want Love' mou du genou et au refrain facile qui vient sauver du naufrage un album qui n'aura décollé qu'à de rares exceptions.
La première partie des titres proposés n'est cependant pas sans accroche et offre même une véritable perle avec la ballade 'Surrender' étalant son envoûtante et vaporeuse sensualité sur plus de neuf minutes. Gary Moore y multiplie les soli gorgés d'un feeling qui vient rappeler à l'auditeur qu'il est bien l'auteur de cet étonnant opus. Avec sa grosse ligne de basse, son refrain catchy et sa guitare épileptique, 'Go On Home' est également une bonne ouverture malgré la surprise qu'il déclenche. Quant à 'Lost In Your Love', bien que plus popisant, il n'en est pas moins accrocheur et doté de jolis soli. Les vapeurs désertiques d'un 'Worry No More' sombre et enfumé, aux accents à la Stevie Ray Vaughan alternant dépit et colère, rendent ce titre digne d'intérêt malgré un final traînant en longueur. Le reste se révèle dispensable sans être toujours désagréable, et seule la reprise survitaminée du 'Fire' de Jimi Hendrix retiendra réellement l'attention.
Regroupant ses titres les plus faibles sur sa fin, cet album laisse l'impression que Gary Moore est allé trop loin dans ses découvertes et a fini par en perdre le fil. Malgré les bonnes idées de premiers titres intéressants, la surabondance d'électronique vient noyer et diluer la démarche artistique de l'Irlandais pour ne laisser que le sentiment désagréable d'avoir affaire ici à des essais qui auraient dû rester au stade de démo pour leur majorité. Le talentueux guitariste va laisser sur le bord de la route l'essentiel de ses amateurs et il lui faudra rapidement réagir pour éviter de les perdre définitivement.