Mallory nous narre depuis son premier album l'échappée belle en solitaire de Mallory, personnage imaginaire éponyme, sorte de Thelma sans sa Louise. Troisième péripétie de ce road trip musical, cette nouvelle production, portée par sa pochette sombre, place le destin de son héroïne au plus profond des geôles mexicaines.
Pour un auditeur néophyte, il n'est cependant pas nécessaire de connaître les albums précédents pour pouvoir apprécier ce nouvel épisode. L'adhésion est immédiate : une voix d'introduction en espagnol plante le décor et le groupe ne prend pas de pincettes pour nous faire partager les espoirs et les cafards de son héroïne. La musique, à la frontière entre le rock et le blues, adopte avec efficacité des thématiques peu réjouissantes. La voix se fait grave (rappelant pour le meilleur Jim Morrison, pour le pire, Bertrand Cantat), les atmosphères propices aux orages ('Suzanne' qui se joue des tempos, le final explosif de 'Mille Et Une Femmes'), les guitares ne font guère de concessions à la douceur (le lamento de guitare solo sur le titre éponyme, la longue montée en tension de l'introduction de 'Shu') et la section rythmique se montre implacable (l'instrumental 'Day 89' ou 'Overwhelmed' sur lesquels la batterie semble mesurer le temps inexorablement). Pourtant, l'atmosphère n'est jamais morbide et la rage vocale tout autant que musicale qui émane de 'Zero' ou 'Silex' emporte l'adhésion.
Quant aux chansons, ces dernières se partagent deux langues. Si les paroles des chansons écrites en anglais semblent plutôt faciles à appréhender pour celui qui n'est pas bilingue, les paroles en français sont plus recherchées et flirtent avec une poésie noire. Cette sensibilité pour son héroïne rappelle parfois l'écriture de Serge Gainsbourg pour Marilou ou Melody Nelson, comme sur la cruelle piste éponyme qui noie les espoirs d'évasion de Mallory dans la solitude de sa cellule.
Mallory puise au fin fond de ses tripes des émotions extrêmes qu'il traduit par une musique tout autant orageuse que séductrice. Le groupe est capable de créer une histoire musicale qui tient la route tout en l'étirant sur plusieurs albums mais qui simultanément, loin de se limiter à de simples gimmicks, privilégie la musique. Avec ce nouvel album, Mallory prouve qu'il joue dans la cour des grands.