Cela semble désormais être une habitude bien établie : le duo russe d’iamthemorning (sans majuscule ni séparation) revient tous les deux ans avec un nouvel album studio, "Lighthouse" étant le troisième après "~" (2012) et "Belighted"(2014). Le cœur d’iamthemorning est formé par le pianiste Gleb Kolyadin et la chanteuse Marjana Semkina, les deux aimant à s’entourer pour chacun de leurs disques d’une multitude d’intervenants, "Lighthouse" ne dérogeant pas à la règle.
Gleb et Marjana n’ont pas tourné le dos à leur formation musicale classique mais en tirent au contraire leur force et leur originalité, ayant su s’affranchir de tout académisme pour n’en garder que la richesse et la combiner à des éléments plus contemporains. Ainsi, aux côtés d’une section rythmique issue de Porcupine Tree (Gavin Harrison et Colin Edwin), se retrouvent un orchestre de cordes et plusieurs solistes aux instruments à vent. Mais la cohabitation d’instruments rock et d’une section classique ne suffit pas toujours à créer l’alchimie, l’expérience se limitant souvent à entendre des nappes de cordes accompagner de simples rocks pour leur donner un semblant de légitimité classique.
Ne se contentant pas d’une fusion superficielle des genres, iamthemorning réussit au contraire un mariage harmonieux au travers de compositions qui commencent souvent sous forme de gentilles chansons pop pour muter insensiblement en quelque chose de plus inattendu que les talents pianistiques de Gleb Kolyadin viennent enjoliver de multiples arabesques. Loin de saouler l’auditeur de démonstrations inopportunes, l’artiste a le talent de savoir se faire discret par moments pour que chacune de ses interventions se transforme en véritable source de plaisir. Quant à Marjana Semkina, sa voix monte parfois dans des aigus cristallins d’une grande pureté qui garantissent le frisson, son timbre se situant quelque part entre la Kate Bush apaisée de "Aerial" et Sonja Kraushofer (Persephone, L’Ame Immortelle).
Cet ensemble complexe aboutit à des compositions courtes, à la fois attrayantes dès la première écoute par leurs tonalités pop-rock mais se révélant au final surprenantes par leurs atours progressifs et classiques, le tout dans un registre doux et aérien, voire diaphane et frisant l’heavenly (‘I Came Before the Water Pt I & 2’, ‘Sleeping Pills’). Si l’album, cohérent, est d’une très bonne tenue, il n’évite pas de légers trous d’air, notamment sur les parties les plus pop (‘Clear Clearer’, le banal ‘Matches’ sauvé par son intéressante variation centrale, le languissant ‘Lighthouse’ qui, lui aussi, finit mieux qu’il ne commence grâce au joli duo entre Mariusz Duda (Riverside) et Marjana Semkina). Mais ces brefs incidents de parcours ne suffisent pas à gâcher le plaisir de l’auditeur friand de délicatesse et de sensibilité.
Plus proche de "~" que de "Belighted" par son retour à une inspiration et une interprétation plus classiques, "Lighthouse" s’avère plus séduisant et abouti que ses deux prédécesseurs grâce à des compositions travaillées et une prestation convaincante.